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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 158.djvu/903

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l’on veut, mais avec toutes les vivacités, toute la verve heureuse de la jeunesse, où résonne même une note émue de tendresse qui deviendra rare chez ce maître aux rudes franchises.

La Dame de Beresteyn est une patricienne d’allure affable, un peu languissante, au visage doux et pâle, au sourire attristé ; la recherche de la distinction s’y affirme plus encore, autant dans la blancheur laiteuse des carnations que dans la finesse des modelés. Cette figure charmante et grave prouve que le jeune Frans Hals, le peintre des pêcheurs, des ivrognes, des fous, était capable de tout, même de devenir, s’il l’avait voulu, le peintre en titre de la noblesse. Il est certain qu’à ce moment, personne n’était capable de camper, le poing sur la hanche, un gentilhomme, avec plus de fierté mâle, qu’il ne fit pour le Seigneur de Beresteyn. Ce dernier tableau, daté de 1629, montre l’artiste en pleine possession de tous ses moyens, ne s’abandonnant plus, à l’aventure, aux emportemens de sa verve, mais sachant disposer et concentrer ses effets avec une sobriété énergique qui en décuple la force. La solide ossature et les carnations hâlées de la tête énergique, le bouillonnement de la grosse collerette plissée, le luxe éclatant et solide du pourpoint fleuri d’or, des hauts-de-chausses et du manteau noir, la maigreur forte des longues mains noueuses, y sont également rendus, dans une harmonie grave, apaisée et profonde, par ces coulées de belle pâte et ces touches hardies du pinceau, qui, désormais, seront la marque constante de ce praticien extraordinaire. Ici, de plus, le praticien s’accompagne d’un physionomiste puissant. L’art de Hals est désormais si sûr que, sans effort visible d’analyse, sans prétentions psychologiques, par la seule vision franche des choses et sa compréhension ardente de la vie, dans l’attitude et dans la physionomie de ses modèles, il saura fixer leur tempérament, leur caractère, leurs habitudes de sentir et de penser, autant et plus que les dessinateurs les plus rompus aux nuances délicates de la forme.

Si nous avons dans le Seigneur de Beresteyn un type complet du gentilhomme hollandais au XVe siècle, magnifique et cultivé, nous trouvons, sans doute, dans sa bonne dame de la Collection Lacaze, au visage couperosé et ratatiné qu’enserre une coiffe étroite, d’attitude modeste, avec une simple robe noire, des manchettes et une collerette plates, d’une irréprochable blancheur, le type de la bourgeoise de Harlem, sédentaire et silencieuse, d’intelligence un peu courte, mais de mœurs irréprochables, la