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et belle carrière militaire s’ouvrait devant lui. Peut-être voulait-il être plus libre de soutenir ses idées par la plume et par la parole. Mais il avait besoin d’activité ; un demi-repos ne lui convenait pas ; il n’attendait qu’une occasion de se jeter dans quelque parti héroïque, et il l’avait trouvée dans la guerre du Transvaal. Sa famille n’a connu sa résolution que lorsqu’elle était exécutée. Il avait pris ses mesures pour que, s’il succombait sur cette terre lointaine, il fût enterré là où il tomberait. Il ne cherchait nullement le bruit, et tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour se satisfaire lui-même. Nous ne doutons pas qu’avec ses connaissances militaires, il n’ait rendu aux Boers de grands services ; mais, en même temps que l’intelligence d’un chef, il avait le courage parfois imprudent d’un soldat, et se jetait au milieu du danger sans le mesurer. C’est ainsi qu’il est mort dans une embuscade, accablé sous le nombre, après s’être vaillamment défendu. Notre histoire est pleine de ces enfans perdus qui ont porté au loin le renom de notre race, et, lorsqu’un d’entre eux disparaît, victime de son dévouement, nous devons le saluer avec respect.

Il semble bien que l’Angleterre n’ait pas une confiance absolue dans l’action militaire de lord Roberts et de l’armée qu’il a conduite à Blœmfontein. Depuis quelques jours, le monde politique se préoccupe d’une diversion qu’elle se propose de faire au nord du Transvaal en utilisant le territoire portugais. Depuis l’origine de la guerre, et même longtemps avant, il avait été question de ces velléités britanniques sur certains points de l’Afrique orientale ; elles sont très anciennes. Il y a déjà de nombreuses années, elles s’étaient tournées du côté de la baie de Delagoa et de Lourenço-Marquez, et on n’a pas oublié l’arbitrage du maréchal de Mac-Mahon, qui, sollicité par les deux parties, a donné raison au Portugal et débouté l’Angleterre de ses prétentions. Mais, à ce moment, la politique impérialiste n’avait pas encore pris son essor ; M. Cecil Rhodes était obscur et ignoré ; les mines du Rand commençaient à peine d’être soupçonnées, et toutes ces circonstances rendaient pour l’Angleterre la résignation plus facile. A mesure qu’elles se sont modifiées, les appétits se sont réveillés et aiguisés. Les préoccupations anciennes ont repris une opportunité nouvelle, plus pressante même qu’autrefois, et c’est à cela qu’il faut rattacher certains projets politiques dont on a beaucoup parlé et dont quelques-uns ont été poussés assez loin, mais dont nous connaissons seulement l’existence, sans avoir pu préciser leur caractère exact. Ainsi tout le monde sait, car le fait a été publiquement avoué, qu’il existe, depuis 1898, une convention entre l’Allemagne et l’Angleterre,