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s’il n’est soutenu par personne, et par qui le serait-il ? On dira sans doute qu’en cédant aux exigences britanniques il sort de la neutralité qu’il avait observée jusqu’ici. Il prend parti pour l’Angleterre contre le Transvaal. Mais que risque-t-il ? Le Transvaal est trop occupé à se défendre pour exercer des représailles, tandis que l’Angleterre, si elle rencontrait la résistance portugaise, la briserait en quelques heures. Le Portugal cesse d’être neutre dans la guerre ; il peut être assimilé à un belligérant ; mais qui lui en ferait un crime, puisque personne ne l’aide et que, abandonné au tête à tête avec l’Angleterre, il se rappelle avoir mesuré, il y a dix ans, le poids de ses ultimatums ? On disait, il y a trente ans, qu’il n’y avait plus d’Europe ; aujourd’hui il n’y a même plus de droit des gens. Il n’y a dans le monde d’autre droit que celui du plus fort, et nous voyons comment il s’exerce. Tel est le progrès qu’en cette fin du XIXe siècle les philosophes politiques peuvent enregistrer.

Au point de vue militaire, la situation du Transvaal sera fort modifiée si un corps d’armée anglais apparaît sur sa frontière septentrionale, ou même peut seulement la contourner, et gagner la Rhodésia. Cette frontière est aujourd’hui dégarnie ; toutes les forces boers sont concentrées entre Pretoria et Blœmfontein, et autour de cette dernière ville. Une diversion, pour peu qu’elle soit sérieuse, bouleversera une fois de plus l’échiquier de la guerre. Les Boers seront obligés d’envoyer des détachemens au nord pour se protéger contre le général Carrington, et ils s’affaibliront dans la même proportion au sud contre le maréchal Roberts. Quelle que soit leur vaillance, comment pourraient-ils faire front de deux côtés à la fois ? Cette guerre aura donné au monde des spectacles bien inattendus : mais le plus inattendu peut-être est celui de la Grande-Bretagne foulant aux pieds le petit Portugal pour atteindre le petit Transvaal, invoquant une convention commerciale pour en faire une convention militaire, et marchant à son but avec la conviction, justifiée par l’événement, que nul ne songera à l’arrêter, ou, ce qui est pire encore, que, s’il y songe, il ne l’osera pas.


Une chose non moins imprévue, mais d’un caractère très différent, est la solution que vient d’avoir la crise italienne. Elle n’est sans doute que provisoire. Il serait surprenant que l’opposition, après l’immense avantage qu’elle vient d’obtenir, en restât là et ne poussât pas plus loin ses revendications. Elle connaît aujourd’hui un moyen sûr de les faire prévaloir. On a lu l’article que, dans un de nos derniers numéros,