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progressif s’ajouterait d’abord au principal de la contribution foncière, les cotes au-dessous de 300 livres demeurant indemnes, celles entre 300 et 4 000 francs étant frappées d’après une progression effroyablement rapide, qui arrivait très vite à les doubler. Pour les cotes au-dessus de 4 000 francs, le jury avait droit de taxer jusqu’aux trois quarts du revenu annuel. La contribution mobilière servirait également de base. Enfin « le jury évaluerait en son âme et conscience la fortune de ceux qui, par leurs entreprises, fournitures ou spéculations, auraient acquis une fortune non suffisamment atteinte par la base des contributions ; » ici se concentraient surtout l’âcreté jacobine et le venin de la loi. Les enrichis dont il était question pourraient être taxés jusqu’à concurrence du revenu entier, calculé sur le vingtième du fonds, et cette suppression complète des revenus d’une année équivaudrait à une entaille au capital. Le jury se composerait de citoyens non assujettis à l’emprunt ; chaque contribuable pourrait appeler de ses décisions à un jury reviseur, mais seulement après avoir acquitté une partie de sa taxe. L’article 13 invitait les citoyens à transmettre les renseignemens nécessaires pour découvrir les fortunes inconnues, non révélées par les contributions ; c’était faire appel à la délation, l’encourager et l’organiser. Les jurys agiraient en véritables comités de confiscation partielle, procédant d’autorité contre les hommes coupables de s’être enrichis par moyens illicites ou simplement coupables d’être trop riches, toute grande fortune étant alors réputée « scandaleuse. »


II

Les gros fournisseurs, les spéculateurs éhontés, race peu intéressante, n’étaient pas gens à se laisser plumer sans se débattre. Ils discutèrent avec les jurys, ergotèrent, chicanèrent ; ils surent éparpiller et dissimuler leurs capitaux, dénaturer leur fortune ; d’ailleurs, par le fait même qu’ils étaient très riches, ils disposaient de mille moyens pour influencer le jury, pour l’entraîner dans des voies de collusion et de fraude. Quelques grands voleurs furent atteints ; la plupart rompirent les mailles du filet qu’on prétendait resserrer sur eux. Leur haine ne s’en attacha pas moins au gouvernement qui traitait l’argent en suspect, en ci-devant, en ennemi public. Ils se jurèrent, dès qu’ils en trouveraient l’occasion, de passer contre ce gouvernement de la défensive