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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/216

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GIOVANNI. — Dis-moi ce que je ne sais pas... Dis-le-moi, je te l’ordonne... Tommy ?

NENNELE. — Oui, Tommy est perdu. Il épouse une mauvaise femme. Il le doit. Massimo t’expliquera. Moi, je ne sais rien, je l’ai appris aujourd’hui.

GIOVANNI. — Où est-il ?

NENNELE. — Là bas, je crois... Je ne sais pas... Je sais qu’il est perdu sans remède. (Giovanni reste abattu.) Et je te quittais, quand tu avais le plus besoin d’aide et de réconfort, quand tu étais le plus seul, et je ne pensais pas à toi, et tu pensais toujours à moi, et tu vivais pour moi !

GIOVANNI, poursuivant son idée. — Les feuilles s’en vont, s’en vont...

NENNELE. — Et je pensais mal de toi, et je te jugeais mal... Écoute-moi ! Il faut que je me confesse, il faut que tu saches ce que j’ai pensé de toi... Le mal qui me venait des autres était plus violent, mais ce que je pensais de toi, c’est cela qui me mordait au point le plus profond et le plus sensible... Je trouvais que tu ne faisais pas assez pour nous... Comprends-tu ? comprends-tu ? ... N’entends-tu pas ce que je te dis ?

GIOVANNI. — Oui, chérie, j’entends. Tu avais raison. Je n’ai pas fait assez pour vous.

NENNELE. — Oh !

GIOVANNI. — Pas ici, pas maintenant. Ici, je ne pouvais pas faire autrement, ni plus. Et tu sais, je voyais venir les choses. Oh ! combien souvent ! Mais je ne pouvais faire plus. A Milan, oui, quand vous étiez petits. Mais alors, je croyais qu’il suffisait de vous enrichir.

NENNELE. — Si tu savais comme je te vois haut devant moi ! Quel repos, quelle sécurité de sentir ta protection vigilante ! Pourquoi ne se parle-t-on jamais de ces choses ? Il est si bon d’ouvrir son âme jusqu’au fond. Aucune douleur, aucune joie ne pourront jamais surpasser la douceur que j’éprouve en ce moment, avec toi, près de toi, à te connaître et à t’adorer. Me pardonnes-tu ?

GIOVANNI. — chérie, je te pardonne et je te bénis. (Il appuie la tête de Nennele rentre sa poitrine, la baise au front, puis s’éloigne, se promène, s’approche, de la fenêtre, regarde dehors.) Quelle belle nuit ! Viens ici. Tu n’as pas froid ?

NENNELE. — Non.

GIOVANNI. — Tu as dit non comme quand tu étais petite... un non très long... nooon ! ... Tu as Peu changé. Je me rappelle si bien ta