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assurant à tous les citoyens l’exercice de leurs droits. Son but, c’est l’amélioration incessante du sort des travailleurs par de bonnes lois qui les mettent à l’abri des risques auxquels ils sont exposés, accidens, maladie, chômage, vieillesse, par le développement de la mutualité sous toutes ses formes, et non pas par la lutte des classes et les conflits systématiques entre le capital et le travail. » On trouvera peut-être que certaines de ces expressions auraient besoin d’être précisées. Qu’est-ce, par exemple, que de « bonnes lois, » propres à mettre les travailleurs à l’abri des maux qui les menacent, soit accidentellement, soit naturellement ? Il faudrait s’expliquer pour être sûr de bien s’entendre. Mais les tendances générales du manifeste sont excellentes : et lorsqu’on arrive à cette conclusion qu’il convient de substituer la mutualité sous toutes ses formes à la lutte de classes que préconisent les socialistes, c’est-à-dire attendre tout de l’harmonie des intérêts et non pas de leur opposition ou de leur choc violent, l’approbation doit être complète. Ce sont deux politiques différentes, mises en présence l’une de l’autre et caractérisées par leurs traits principaux : aux électeurs de choisir. « Qu’ils parlent haut et ferme, dit le manifeste, et il faudra bien qu’on entende leur voix. » Il y a dans le ton des progressistes quelque chose de résolu et de vaillant qui, au milieu du silence général, ne saurait manquer d’être entendu. On est agréablement frappé de voir qu’en dépit du relâchement des esprits et de l’abandon des volontés, un certain nombre d’hommes n’ont rien perdu de leur énergie première, et qu’on les retrouve toujours prêts à soutenir le même combat.

Mais les journaux ministériels en sont, eux, frappés très désagréablement. Les imprécations qu’ils ont poussées à la lecture du manifeste des progressistes sont une preuve de leur irritation et de leur déception. Ils s’attendaient sincèrement à ce que l’Exposition universelle opérât sur le pays à la manière d’un calmant, et même d’un assoupissant. A force de le répéter, ils avaient fini par le croire. L’Exposition est ouverte : trêve à la politique ! C’était là le mot d’ordre qu’ils avaient donné, et que tout le monde devait suivre docilement. Ils avaient promis au pays six mois d’un repos absolu, six mois qui devaient être consacrés à des distractions agréables et à des émotions douces. Pendant ce temps-là, le ministère continuerait de travailler sans faire de bruit ; et on sait comment ils travaille. L’illusion se dissipe. Ces maudits progressistes, des enragés, presque des malfaiteurs, refusent de se tenir tranquilles. Il faut voir avec quelle véhémence de colère on les a traités ! Rarement nous avons assisté à une pareille explosion