Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indispensables d’un gouvernement libre, quels qu’en soient d’ailleurs la forme et le nom.

Le ministère eut la mesquinerie de poursuivre cet écrit pour excitation à la haine et au mépris du gouvernement. Le jugement ne put méconnaître la pensée fondamentale du livre, et il la constate ; seulement il la considère comme une manœuvre, et il accuse de déloyauté un écrivain qui n’avait pas donné à des robins serviles le droit de le traiter de la sorte. « Attendu que l’auteur affecte, pour réunir les anciens) partis monarchiques et le parti républicain sous un même drapeau, malgré les profondes divisions qui les séparent, de ne considérer la forme du gouvernement que comme un accessoire de peu d’importance, sur lequel on pourra débattre ultérieurement, et les convie à se concerter, quant à présent, dans un seul but, le renversement du despotisme et la conquête de la liberté... » Sauf l’entente ultérieure sur la forme du gouvernement dont il n’était pas dit un mot, le considérant résumait exactement la portée du livre. Il y avait en effet excitation à la haine et au mépris du despotisme ; pela n’atteignait le gouvernement impérial que si on l’identifiait au despotisme. C’est ce que firent les juges : ils condamnèrent à un mois de prison. — « Je n’ai point l’intention d’en appeler, écrivait Paradol à son ami Borely, d’Aix : ce n’est pas que je reconnaisse le moins du monde l’exactitude des considérans ; je trouve qu’ils vont bien au de la des termes et même de la pensée de ma brochure. Je n’ai point demandé le moins du monde dans ce travail que les anciens partis se réunissent pour détruire l’Empire ; je les ai engagés à réclamer en commun et à poursuivre d’un même effort l’application de certains principes libéraux dont j’ai donné le programme ; je n’ai rien dit de moins, rien de plus. Le jugement constitue à lui seul une nouvelle brochure, bien autrement factieuse que la mienne. Cependant je n’en appellerai pas, d’abord parce qu’on m’a appliqué le minimum de la peine, ce qui est une sorte de succès, si l’on songe à l’acharnement et à la puissance de mes adversaires, et ensuite parce que les magistrats sont enclins, en ces matières, à se donner raison les uns aux autres[1]. » Il fut autorisé à subir sa peine dans la maison de santé du docteur Blanche.

Pendant les vacances, j’allai me reposer dans une maison de campagne de Picard, située à l’extrémité d’un large et salubre

  1. 25 juin 1860.