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de la liberté, dont on n’avait nul souci, en 1827 contre les Bourbons, en 1847 contre les d’Orléans. Elle n’était que le moyen d’une nouvelle révolution. Qu’arriverait-il après la victoire ? L’événement en déciderait. Ce serait soit une monarchie constitutionnelle ouverte aux républicains, soit une république dont ne seraient exclus ni les princes d’Orléans, ni leurs amis.

Tout autre était la pensée de Prévost-Paradol : indifférent aux questions de dynasties, de personnes, il s’inquiétait peu du cadre extérieur du gouvernement ; il n’était ni enivré ni révolté par les mots de république ou de monarchie ; tout gouvernement lui paraîtrait bon qui assurerait au pays le droit de régler lui-même sa destinée par l’action d’assemblées librement élues et de ministres responsables. Il trouvait que nous avions traversé assez de révolutions, laissant dans chacune d’elles quelque chose de nous, et qu’il était temps de s’arrêter. L’Union libérale lui paraissait un moyen de perfectionner l’Empire, non de le renverser, une espèce d’investissement moral qui obligerait à capituler devant la liberté. La fondation d’un régime libéral était le but unique où tendaient ses volontés et ses espérances. S’il réussissait à l’obtenir, il se déclarerait satisfait, et n’aurait plus aucun grief contre cet Empire, auquel il reprochait, non de consacrer une dynastie de Napoléons, mais d’être un despotisme césarien. Comme moi, il s’inspirait des sentimens de Michel Hurault, un des politiques de la Ligue, au profit de Henri IV : « Que le devoir de sauver notre liberté et l’appréhension d’une si misérable servitude étouffe toutes nos vieilles querelles. Ensevelissons-les dans l’amour de notre pays. »

Cette idée se retrouve dans un admirable petit opuscule, les Anciens partis, qu’il publia en cette année 1860 : « Le plus ancien des partis, disait-il, c’est l’alliance, vieille comme le monde, de la démagogie et du despotisme ; c’est le désir inique de la toute-puissance faisant un pacte avec l’instinct aveugle de l’égalité. » Quant à lui, il voulait créer un parti nouveau, qui, mettant de côté les souvenirs du passé, les vaines querelles, n’aurait d’autre lien, d’autre principe commun, d’autre mot de ralliement, d’autre drapeau que la revendication de la liberté : c’est ce qui en ferait l’Ame et l’unité. Ce parti s’appellerait libéral. Il ne chercherait, pour un meilleur avenir, qu’à créer une entente générale sur l’organisation de la justice, de l’administration, sur le régime des cultes, sur la situation de la presse, en un mot, sur les conditions