Or, des demandes de crédit n’auraient pas eu seulement l’inconvénient de susciter un conflit législatif, elles auraient éveillé l’inquiétude générale. S’il voulait la paix, disait-on partout, il ne réorganiserait pas son armée ! Et les défiances que ses déclarations les plus fermes ne dissipaient jamais entièrement se seraient ranimées bien plus violentes. On ne prenait pas garde aux armemens de la petite Prusse ; on eût été dans l’effroi du moindre préparatif ostensible du puissant Empire français.
Tenant néanmoins à réaliser cette décentralisation militaire qui hantait sa pensée depuis la guerre de Grimée, et qui seule pouvait amener le passage rapide du pied de paix au pied de guerre, il prescrivit à Randon de l’opérer sans aucune augmentation de crédit, et comme, dans ces termes, c’était impossible, c’était en réalité y renoncer. Et en effet, à partir de ce moment, ni Empereur, ni ministre, ne s’en occupèrent plus. L’Empereur veilla seulement à ce qu’on poussât la construction du nouveau matériel d’artillerie, à ce qu’on établît une fusée pour les nouveaux projectiles, puis à des détails secondaires : l’adoption d’un shako, celle d’une couleur pour les brandebourgs de la garde, ce qui amena une grave discussion entre Vaillant et le docte Chevreul ; la manière de ployer la cravate, de placer la capote sur le sac, etc. Le sujet le plus débattu fut de savoir si le régiment serait à trois ou quatre bataillons. Le maréchal n’en voulait que trois, l’Empereur en admettait quatre, mais seulement en temps de guerre ; Castellane les jugeait nécessaires même en temps de paix, par cette raison que, sans quatrièmes bataillons, il faudrait un mois de plus pour former une armée.
Dès que l’Empereur eut renoncé à la réorganisation de son armée, il commença la Vie de César. On doit accorder aux souverains une distraction aux soucis exténuans des affaires. C’est ce que répondaient les auteurs de la Satire Ménippée à ceux qui reprochaient au Béarnais de trop aimer les dames. « Il n’est pas possible, disaient-ils, que l’Ame soit toujours tendue aux graves et pesantes administrations, sans quelque rafraîchissement et diversion à aultres pensées plus agréables et plus douces. » Napoléon III, qui aima aussi beaucoup trop les dames, chercha on outre une diversion plus élevée. Il s’y adonna avec une assiduité chaque