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doit se résigner à tourner les obstacles qu’on ne peut supprimer ; tout cela, et bien d’autres choses encore, comme la rareté des véritables chefs tant militaires que civils, l’adaptation de chacun d’eux à un milieu ou à un moment déterminé, la peine qu’il y a à les tenir disponibles dans l’instant précis où l’on en a besoin : tout cela est communément ignoré, quoique constituant les élémens essentiels de la politique coloniale.

Les pages qui suivent n’ont d’autre but, en retraçant la période critique de Madagascar, que d’initier le lecteur français à maint détail qu’il ne soupçonne pas et de lui montrer par quels moyens divers et souvent détournés a pu se réaliser l’œuvre de la réduction de la grande île africaine à notre domination, œuvre dont les résultats seuls sont aujourd’hui connus. Mais il est impossible d’aborder un tel sujet sans considérer avec soin au préalable les événemens qui ont succédé immédiatement à l’entrée du général Duchesne à Tananarive et la politique suivie par la France à l’égard des Ho vas durant les premiers mois de 1896.


I

Les initiateurs de l’expédition de 1895 n’avaient point eu, au début, d’autre pensée que de rendre effective et efficace la convention de protectorat consentie en 1880 par la reine Ranavalo à la France, à la suite d’un premier effort militaire de celle-ci, convention sans cesse méconnue depuis lors par le gouvernement hova. Ils voulaient seulement, comme on l’a dit, reconduire et réinstaller par la force à Tananarive le résident général et son escorte, que la rupture de 1894 avait conduit à en rappeler. Les instructions premières données au général Duchesne ne comportaient pas autre chose que le renouvellement, avec les précisions indispensables pour éviter tout malentendu dans l’avenir, des arrangemens de 1883, et ces instructions sortirent tout leur effet dans le traité du 1er octobre 1895, que le commandant en chef imposa à Ranavalo, aussitôt prise la capitale hova.

Avant même que cet acte eût été signé, des modifications étaient cependant survenues, sous la pression des circonstances et d’une émotion assez vive de l’opinion, dans les vues du cabinet de Paris. La résistance des Malgaches, beaucoup plus prolongée qu’on ne l’avait d’abord supposé, les sacrifices d’hommes et d’argent que la France avait dû faire en conséquence, les craintes