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aux races autres que la race hova, afin de contre-balancer l’influence de celle-ci et d’être toujours en état de les opposer les unes aux autres à un moment donné... Toutes les fois que vous aurez à créer des institutions appelées à gérer des intérêts qui seront communs aux colons et aux indigènes, vous vous préoccuperez d’y assurer une représentation à chacune des races, de manière que l’une ne puisse pas être opprimée par l’autre... Vous exercerez l’action de la France surtout par voie d’avis et de contrôle ; vous ne commanderez que quand vos conseils seront méconnus... Afin de marquer sa situation vis-à-vis du gouvernement français, vous inviterez la reine à se servir à l’avenir de la formule de promulgation suivante : « Moi, Ranavalo, par la grâce de Dieu et la volonté de la République française, reine de Madagascar... » Vous maintiendrez à l’administration indigène le droit de régir à son gré les associations et les réunions. Afin d’être armé contre la propagande étrangère, vous soumettrez la presse à l’obligation de l’autorisation préalable pouvant toujours être retirée... »

A les bien prendre, il y avait dans ces recommandations quelques arrière-pensées et certaines contradictions : ainsi du souci, très légitime d’ailleurs, de se réserver la possibilité d’opposer quelque jour les unes aux autres les diverses races autochtones, ce qui ne témoignait pas d’une confiance aveugle dans le zèle des Hovas pour notre cause ; ainsi encore du soin avec lequel on marquait que « la grâce de Dieu » n’avait pas suffi à maintenir la reine sur son trône, mais qu’il y avait fallu aussi « la volonté, » plus précaire sans doute, de la République. Quoi qu’il en soit de ces nuances, la pensée dominante est claire : c’est, pour les usages intérieurs de l’île, le protectorat, le gouvernement indirect par l’entremise de la reine Ranavalo, sans faiblesse assurément, mais surtout sans violences<ref> L’on trouve cependant des traces, dès cette époque, des embarras de diverse nature que pouvait entraîner l’application stricte de la formule du protectorat. A propos du personnel : « Réservez à nos nationaux accès fonctions publiques (télégramme du 25 décembre)... Vous prie suspendre toute nomination personnel jusqu’à ce que conditions accessoires fonctions aient été concertées avec département (télégr. du 7 janvier). » Pour le commerce : « Gouvernement a décidé qu’en principe les produits français seront exempts des droits de douane à l’entrée de Madagascar ; ils ne pourront être assujettis qu’à un faible droit de statistique. Toutefois, cette décision ne pourra recevoir exécution qu’après conversion, emprunt malgache étant actuellement garanti par droits douane sur ensemble marchandises importées. Cette conversion sera très prochainement effectuée (télég. du 5 janvier). » En réalité, il y avait, comme on le verra, d’autres motifs plus sérieux pour ajourner la mesure. Mais l’on peut constater à cette date qu’il n’avait pas suffi d’une formule, si ingénieuse fût-elle, pour déblayer la route. </ef>.