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II

Quelles raisons ont donc poussé ce poète, ce dilettante, cet ami des doctes et nobles loisirs, à prendre ainsi parti dans les querelles religieuses ? Nous pouvons le dire hardiment : il n’a vu tout d’abord dans la guerre civile que l’horreur de cette division de la patrie contre elle-même, et, catholique jusqu’alors plutôt tiède ou indifférent, c’est son patriotisme qui l’a rangé dans le camp qu’il a choisi ; je ne vois pas pourquoi j’hésiterais à dire : c’est son nationalisme.

On nous répète, à ce propos, depuis une centaine d’années, et on voudrait nous faire croire, que le patriotisme, tel que nous l’entendons, — ou tel que nous l’entendions, il n’y a pas longtemps, — ne daterait en France que de la révolution. C’est bien le plus insolent mensonge ! Ne remontons pas au delà du temps de Ronsard : la seconde pièce qu’il ait publiée, en 1549, — un an avant ses Odes, et trois ans avant ses Amours, — est un Hymne à la France, qu’il a retranché plus tard du recueil de ses Œuvres, parce qu’il n’y avait pas assez rigoureusement observé l’alternance des rimes masculines et féminines, et dont le mouvement est imité du passage des Géorgiques : Salve, magna parens frugum, etc., mais dont l’inspiration est déjà celle du plus ardent patriotisme :


Je le salue, ô terre plantureuse,
Heureuse en peuple et en princes heureuse,
Moi, ton poète, ayant premier osé
Avoir ton los en rime composé.


Notez là-dessus qu’il connaît lui, Ronsard, les « estranges provinces ; » qu’il a visité, qu’il a même quelque temps habité l’Angleterre, ou l’Ecosse, pour parler plus exactement, en qua- lité de page de Marie de Lorraine, femme de Jacques V, mère de Marie Stuart ; l’Allemagne, en qualité de secrétaire de Lazare de Baïf, à la diète de Spire ; et le Piémont, au service du seigneur de Langey. Notez encore que, ce qu’il célèbre de la France, autant dire que c’en est tout : le climat, la fertilité, l’industrieuse activité, le commerce, l’industrie, les cités.


Qui comptera l’exercite des nues,
Grosse de gresle et de pluyes menues,