Il comptera de la France les ports,
Et les cités, les villes et les forts[1].
Et notez enfin que, s’il termine par l’éloge en quelque sorte obligatoire du roi, ce qu’il aime dans le roi, c’est le
Roi qui doit seul, par l’effort de sa lance.
Rendre l’Espagne esclave de la France ;
Et qui naguère a l’Anglais abattu,
Pour premier prix de sa jeune vertu.
On retrouverait d’ailleurs les mêmes sentimens dans le beau sonnet de Joachim du Bellay :
France, mère des arts, .....
qu’il écrivait à Rome, au milieu des splendeurs de la renaissance, et encore dans les vers où il célébrait la reprise de Calais, 1558. N’est-ce pas aussi du Bellay qui passe pour avoir introduit dans notre langue le mot même de « patrie » ? à qui du moins les pédans de son temps Font reproché comme un fâcheux néologisme ?
« Qui a pays n’a que faire de patrie, » lui disait-on ; et on lui en
donnait cette raison imprévue que Pays venant du grec, il était
inutile d’emprunter Patrie au latin. Mais Ronsard était digne de
le comprendre, et c’est pour cela que dans son Elégie à Loys des Masures, il a voulu associer le compagnon des rêves de sa jeunesse à la révolte de son patriotisme indigné :
L’autre jour en dormant, comme une vraie idole.
Qui deçà, qui delà, au gré du vent s’envole,
M’apparut du Bellay ........
Tout au rebours de ce qu’on a cru trop longtemps, la Pléiade n’a point du tout essayé de parler ni parlé « grec et latin, » en français ; et, pour ce qui est des sentimens, il faut savoir qu’aucuns poètes ni prosateurs, depuis elle, n’en ont exprimé dans notre langue de plus nationaux que les siens,
- ↑ Il en a d’ailleurs repris le thème dans une admirable Églogue, qui est l’un de ses chefs-d’œuvre, 1567, et dont André Chénier, longtemps après, s’est inspiré dans son Hymne à la France.
Soleil, source de feu, haute merveille ronde.
Soleil, l’âme, l’esprit, l’œil, la beauté du monde.
Tu as beau t’éveiller de bon matin, et choir
Bien tard dedans la mer, tu ne saurais rien voir
Plus grand que notre France...