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la foi. C’est ce que Ronsard a compris, et c’est encore ce qu’il a exprimé en beaux vers, d’une plénitude de sens et d’une lucidité admirables.


Il fait bon disputer des choses naturelles,
Des foudres et des vents, des neiges et des grêles,
Mais non pas de la foi, dont il ne faut douter.
………………..
Tout homme qui voudra soigneusement s’enquerre
De quoi Dieu fit le ciel, les ondes et la terre,
Du serpent qui parla, de la pomme d’Adam,
D’une femme en du sel, de l’âne à Balaam,
Des miracles de Moyse, et de toutes les choses
Qui sont dedans la Bible étrangement encloses,
Il y perdra l’esprit : car Dieu qui est caché
Ne veut que son secret soit ainsi recherché...
…………………...
Comment pourrions-nous bien, avec nos petits yeux,
Connaître clairement les mystères des cieux.
Quand nous ne savons pas régir nos républiques,
Ni même gouverner nos choses domestiques ?
Quand nous ne connaissons la moindre herbe des prés ?
Quand nous ne voyons pas ce qui est à nos piés ?


On a sans doute reconnu l’argument sur lequel Pascal, cent ans plus tard, insistera si fort dans ses Pensées ; et voici déjà, dans la Continuation du Discours des Misères de ce temps, l’argument que Bossuet développera dans son Histoire des Variations :


Les apôtres jadis prêchaient tout d’un accord,
Entre vous aujourd’hui ne règne que discord :
Les uns sont Zwingliens, les autres Luthéristes,
Les autres Puritains, Quintins[1], Anabaptistes,
Les autres de Calvin vont adorant les pas ;
L’un est prédestiné et l’autre ne l’est pas ;
Et l’autre enrage après l’erreur Muncérienne.
Et bientôt s’ouvrira l’école Bézienne !
Si bien que ce Luther, lequel était premier,
Chassé par les nouveaux, est presque le dernier,
Et sa secte, qui fut de tant d’hommes garnie,
Est la moindre de neuf qui sont en Germanie.

  1. Les Quintins, du nom de l’un des chefs de la secte, sont ceux que l’on appelle plus communément Libertins, dans le langage du temps, et contre qui Calvin a écrit le fameux et curieux pamphlet : Contre la secte furieuse et phantastique des Libertins.

    Il ne faut d’ailleurs les confondre ni avec les Libertins de Genève, contre lesquels le même Calvin eut tant à lutter, ni avec les Libertins de la fin du siècle, qui ne seront autres que les premiers de nos Libres Penseurs.