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venu le syndicat des mécontens, comme on l’a dit autrefois du boulangisme, et ce rapprochement n’est pas pour lui une recommandation. Mais, à dix ou onze ans d’intervalle, les choses ne se ressemblent jamais complètement. L’évolution que suivra le nationalisme est encore, pour nous, une chose incertaine. Le phénomène politique qu’il présente a des côtés nouveaux. Il y a déjà cette différence entre le présent et le passé qu’autrefois la condamnation du général Boulanger, précédée de sa fuite, n’a pas été seulement le signal de la décadence du boulangisme, mais son effondrement. Aujourd’hui, au contraire, le succès du nationalisme à Paris se produit quelques semaines après le procès de la Haute Cour et l’exil des principaux chefs du parti. Déjà un des accusés, acquitté à la vérité, a été élu conseiller municipal, et il y en a d’autres en ballottage. Il semble que ce qui a tué le boulangisme ait donné un plus grand essor au nationalisme, tant il est vrai que l’histoire ne se répète jamais complètement, et qu’il n’y a rien de plus dangereux en politique que de conclure de ce qui a été à ce qui sera. Quelques hommes ont disparu ; on en a vu plus clairement que le mouvement de l’opinion ne tenait pas à eux. L’origine de ce mouvement est dans la réaction contre le ministère actuel. A la manière de ces corps qui, plongés dans un milieu chimique, produisent immédiatement la combinaison de tous les élémens qui leur sont contraires, le ministère a déterminé l’agglomération qui porte le nom de nationalisme, et qui ne se dissoudra que sous l’action de forces différentes. Le germe d’hier a subitement acquis des développemens imprévus. Il reste, à la vérité, au ministère un prétexte à tirer des circonstances actuelles pour justifier sa propre prolongation. Quelques-uns de ses amis » commençaient à lui donner timidement le conseil de s’en aller. N’avait-il pas achevé sa tâche ? La République n’était-elle pas sauvée ? — Vous voyez bien que non, dira-t-il sans doute : le danger est plus grand, et par conséquent ma présence plus indispensable que jamais ! — Et c’est ainsi que nous continuerons, forts du scrutin du 6 mai, de démontrer que le ministère est l’auteur du mouvement qu’il prétend arrêter ; et le ministère continuera de soutenir que, ce mouvement s’étant accéléré, il y a pour lui une obligation plus impérieuse de rester aux affaires.

Nous devons d’ailleurs reconnaître que le mouvement nationaliste s’est jusqu’ici presque exclusivement localisé à Paris. S’il s’était étendu a toute la province, la démonstration que nous tâchons de faire aurait pris un tel caractère d’évidence que le ministère lui-même n’aurait pas trouvé d’argumens, ni même de sophismes, à lui opposer. Mais,