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ministères qui se sont succédé en Autriche depuis quelques années. Le dernier est celui de M. de Kœrber. S’il dure encore, c’est parce qu’il a prorogé le Parlement, en attendant qu’il eût trouvé, et sous prétexte de chercher une solution à l’insoluble problème des langues. M. de Kœrber est un administrateur éminent ; il représente, à un degré supérieur, ces ministres fonctionnaires qui alternent avec des ministres hommes politiques ou grands seigneurs, et qui poursuivent, à leur tour de rôle, quelque chose d’assez semblable à la quadrature du cercle, à savoir le moyen de concilier les Allemands et les Tchèques. Lorsqu’il est arrivé aux affaires, M. de Kœrber a inspiré, sans qu’on sache très bien pourquoi, sinon parce qu’il en avait l’air très assuré lui-même, la confiance qu’il allait enfin trouver le secret du sphinx. Il a réuni pour cela des conférences mi-partie allemandes et mi-partie tchèques, avec l’espoir que, lorsqu’ils se trouveraient en présence, l’eau et le feu finiraient par s’amalgamer sous ses propres incantations. Mais il n’en a rien été, et toutes ces expériences n’ont servi qu’à traverser les vacances parlementaires, à les occuper, à les justifier. Aujourd’hui, le parlement est réuni de nouveau, et l’obstruction recommence. Ce ne sont plus les Allemands qui la font, mais les Tchèques : il est vrai que, si ce n’étaient pas les Tchèques, ce seraient les Allemands. Tout ce que peut faire le gouvernement, c’est de choisir entre les deux ; mais, quelque choix qu’il fasse, le résultat est le même : il y a toujours un mécontent, et ce mécontent, ayant éprouvé l’efficacité de l’obstruction, ne manque pas d’en faire. Pour cela, tous les moyens sont bons, et d’ailleurs, ils se ressemblent tous. Les projets de loi de M. de Kœrber sont le résultat d’un effort très loyal et très honorable pour mettre tout le monde d’accord ; mais l’effort n’en a pas été moins vain. Les nouvelles séances du Reichsrath ont été aussi bruyantes que l’avaient été les dernières ; il a fallu les suspendre, et la situation a paru aussi inextricable que par le passé. Voilà ce qu’a trouvé l’empereur François-Joseph en revenant de Berlin. Il est vrai que le roi Humbert, qui n’y est pas allé, n’a pas la vie plus facile. A Rome, comme à Vienne, on n’a encore découvert qu’un moyen de gouverner avec le parlement : c’est de le mettre en vacances. Malheureusement il en revient, et les mêmes difficultés se représentent. L’opposition, à Rome, manifeste l’intention parfaitement arrêtée de faire obstruction au nouveau règlement, qui a été voté pour empêcher l’obstruction ; et quand nous disons voté, on sait comment il l’a été. Si le roi Humbert avait fait le voyage de Berlin, il aurait pu échanger des réflexions mélancoliques avec l’empereur François-Joseph au sujet de leurs parlemens respectifs,