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entre les partis, de témoigner des égards aux hommes honorables et distingués des anciens gouvernemens et de les engager à faire profiter le pays de leurs lumières et de leur expérience (5 décembre 1860). » Il donnait l’exemple : il continua à traiter Falloux en ami et lui demanda d’être le parrain de son fils, de lui désigner un confesseur, parce qu’il voulait entrer dans une complète pratique chrétienne. Il fut plein d’égards envers Lamartine, empêcha que son petit hôtel de la rue de la Ville-l’Evêque ne fût englobé dans le ministère de l’Intérieur[1] et donna ordre à tous les préfets de seconder la souscription à ses Œuvres complètes. Il ne s’opposa pas à la grâce de Proudhon,

Le délicat de sa tâche était la conduite envers la presse. Il fit remise à tous les journaux de leurs avertissemens, et, dans une circulaire, il indiqua de quelle manière il appliquerait le pouvoir discrétionnaire dont le maintien était le principal argument de ceux qui contestaient l’importance des concessions impériales. On s’autorisait de l’exemple de l’Angleterre pour réclamer la suppression du pouvoir arbitraire, il s’en arma pour le maintenir : « Aussi longtemps que les Stuarts contestèrent le gouvernement issu de la révolution de 1688, la législation sur la presse n’eut qu’un objet : défendre la nouvelle dynastie contre ses ennemis politiques et religieux, et interdire, au nom même de la liberté, les armes et les instrumens de la liberté aux adversaires des nouvelles institutions du pays. Avant d’être un peuple libre, il faut être un peuple uni. La liberté de la presse doit suivre et non précéder la consolidation d’une nouvelle dynastie ; tant qu’il y a des partis hostiles à l’ordre établi, luttant, non plus comme aujourd’hui les tories et les whigs pour le ministère, mais comme autrefois les Jacobites pour renverser le trône, la liberté ne peut

  1. Lamartine à Persigny : « M. de la Guéronnière vient de me faire part des paroles et des procédés chevaleresques qui m’assurent spontanément la tranquille jouissance de mon petit asile sous les murs de votre beau jardin. Je ne dirai du moins pas comme Virgile :
    Mantua vee miserae nimium tncina Cremonæ.
    « Le voisinage d’un homme de cœur est toujours bon, même en politique. Entre votre cause et la mienne, il y aura toujours l’honneur du caractère qui domine toutes les dissidences de l’esprit. Vous servez avec zèle et indépendance une cause dans laquelle vous trouvez réunis votre amitié et vos principes ; j’ai quitté l’arène politique et je consume laborieusement, dans un travail acharné et ingrat, mes dernières années à réparer les coups de la fortune envers ceux à qui je dois du pain. Nous pouvons être fiers tous deux de nos situations si diverses et je puis vous envoyer sans rougir, à travers les arbres de nos deux jardins, les remerciemens que je suis heureux de vous offrir. « A. DE LAMARTINE. »