plein conseil de guerre et en face du duc de Savoie : « Non seulement le prince Eugène est instruit à point de tous les mouvemens de notre armée, de la force des détachemens qui en sortent et de leur objet, mais il l’est encore de tous les projets qui sont discutés ici. » Mais rien ne démontre l’authenticité de ce propos rapporté dans une note, et dans ses dépêches, qui sont au Dépôt de la Guerre, Catinat se montre beaucoup plus réservé. S’il parle, Comme nous l’avons vu, des « ressorts secrets » qui expliquent la conduite du duc de Savoie, il rend compte également des discours que tient celui-ci, et qui sont « pleins de respect et d’attachement pour le service des Deux Couronnes[1]. » Il est impossible aussi de ne pas tenir compte de l’opinion de Phelypeaux, qui, ne quittant point Victor-Amédée, l’observait par conséquent de plus près qu’aucun autre, et n’avait point d’intérêt, comme les chefs militaires, à chercher dans la trahison l’explication de revers dont il n’était point responsable. Il était sans illusion sur les sentimens du duc de Savoie. Il signalait même un bruit qui lui était revenu de Paris et d’après lequel Vernon aurait échangé souvent, à des heures indues de la nuit, des visites avec Zinzendorf. Mais il ne croyait cependant pas à l’infidélité du duc de Savoie, et il prenait nettement sa défense dans une longue lettre à Chamillart : « Je ne réponds point, disait-il, des bons sentimens de M. de Savoye… Mais deux raisons, dont l’une très forte, l’autre sans réplique, ne marquent pas à mon sens qu’il soit dans l’infidélité et dans l’intelligence actuelle dont on le soupçonne. On ne s’expose point si aisément à cent mille coups de mousquet et de canon pour un party que l’on trahit ; on n’expose point des troupes qui font toute la tendresse et toute la ressource de ce prince[2] ; » et dans une autre lettre à Chamillart, il concluait avec beaucoup de sagacité : « Peut-estre, après avoir perdu plus de la moitié des hommes qui ont passé les monts, le Roy reconnaîtra que, pour n’en pas perdre davantage et oster le Milanais à l’Empereur en s’aidant d’un homme sur lequel on ne peut pas compter, il faudra proposer à M. le duc de Savoye le traité dont il étoit question il y a présentement un an[3]. »
A côté des témoignages contemporains, si l’on veut élucider