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l’Orange et le Transvaal. On estime que ce sanguinaire tyran fit massacrer un million d’êtres humains. Au nord de la rivière Orange, les Voortrekkers trouvèrent donc une contrée déserte et inhabitée : ils rencontraient partout les restes des Kraals cafres, mais n’apercevaient d’autres créatures vivantes que les bêtes sauvages, lions, panthères, élans et antilopes. Les troupeaux d’anti- lopes, qui abondaient dans les plaines herbeuses, offraient une proie facile aux infaillibles coups de fusil des voyageurs, qui ne manquaient donc point de subsistances. La terre était d’ailleurs fertile, et les races sauvages qu’ils rencontraient considéraient avec étonnement les lourds wagons abrités d’une tente blanche qui s’avançaient majestueusement à travers les immenses plaines. Les Basutos, les tribus des Barolongs et des Mantatis, dont les villages étaient disséminés le long de la route, ne cherchèrent point à s’opposer au passage des étrangers.

La troupe de Potgieter, après s’être arrêtée quelque temps chez le chef Maroko, à Thabanchu, arriva chez les Cafres Batuangs, dans la contrée située entre la rivière Vet et le Vaal. Cette tribu s’attendait chaque jour à être attaquée par Moselekatse, chef des Matabélés. Potgieter conclut une convention avec Makivana, chef de cette tribu, et acquit le territoire entre le Vet et le Vaal. C’est ainsi que procédèrent toujours les Voortrekkers, qui n’étaient point des ravisseurs ni des pillards, bien qu’on les ait souvent représentés comme tels : ils louaient ou achetaient les terres des Cafres, et ils ne leur volèrent jamais ni un bœuf ni un pouce de terrain. Rien n’est plus contraire à la vérité que de prétendre, comme on l’a fait, que non seulement les Boers ont dépossédé violemment les premiers occupans, mais qu’ils se sont montrés féroces vis-à-vis d’eux. Jamais ils ne donnèrent aux indigènes de justes motifs de guerre ; jamais ils ne furent les agresseurs ; toujours ils s’efforcèrent d’éviter de sanglans combats. Ils avaient marché jusqu’alors sans être inquiétés. Mais l’heure de l’adversité était proche. Il y-avait quelque temps qu’ils se trouvaient chez les Batuangs, quand. en l’absence de Potgieter et de Sarel Cilliers qui, avec quelques-uns des leurs, s’étaient rendus à Zoutpansberg, un petit groupe d’émigrans organisa une chasse à l’éléphant du côté de la rivière Vaal. Ne connaissant pas encore les mœurs sanguinaires des Matabélés, et rassurés par les dispositions pacifiques des Barolongs et des Batuangs, ils revenaient paisiblement de leur expédition, marchant en petits