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détachemens isolés les uns des autres, quand le perçant cri de guerre des Matabélés s’élève dans l’air. Une bande de guerriers nus, sortant de leur embuscade, fond sur un des détachemens : la petite troupe, attaquée à l’improviste, est massacrée. Les deux seuls survivans, Stephanus Erasmus et son fils, rejoignent à toute bride un autre détachement composé de 11 hommes. De nouveau attaqués par surprise, ils doivent faire face à un si grand nombre d’ennemis, qu’ils battent en retraite tout en soutenant une lutte terrible qui dure six heures et qui se termine par la fuite des Matabélés. Le petit détachement du vieux Barend Liebenberg est surpris de la même façon par une autre troupe de sauvages, et le pauvre vieillard tombe sous les assagaies avec onze de ses enfans et douze de ses serviteurs. Le massacre accompli, les Matabélés s’en retournent, emportant avec eux une grande partie du bétail des Boers et emmenant trois de leurs enfans qu’on ne retrouva plus jamais.

Tel fut le premier revers des Voortrekkers, qui devaient en essuyer tant d’autres par la suite. A leur retour de Zoutpansberg, en septembre 1836, Potgieter et Sarel Cilliers apprirent avec douleur le terrible désastre et avisèrent aussitôt aux mesures à prendre. Ils résolurent de gagner sans retard Vechtkop, près de la Wilge Bivier, et de s’y retrancher dans un laager pour repousser les attaques qu’ils redoutaient encore. Le laager affectait ordinairement la forme d’un carré oblong, fermé par les wagons qui servaient de murailles. Le timon de chaque wagon était ramené sous le wagon suivant, et les roues étaient immobilisées au moyen de sabots, de manière que les wagons unis les uns aux autres ne formaient qu’un mur continu. On chassait le bétail dans l’enceinte du laager, et on y mettait en sûreté les femmes et les enfans.

A peine les Boers étaient-ils retranchés dans leur laager, qu’ils furent avertis par deux Hottentots de l’approche d’une grande troupe de Matabélés, qui se trouvaient déjà à la rivière Vaal, à douze heures de marche de Vechtkop. À cette nouvelle, les Boers achèvent de fortifier le laager, et, pour empêcher l’en- nemi de pénétrer dans la place par les intervalles entre les roues des wagons, ils les bouchent au moyen de branches d’épine. Les femmes, de leur côté, s’occupent de fabriquer des balles. Quand tout est prêt pour la défense, le 29 octobre dans la matinée, Sarel Cilliers monte à cheval avec trente-deux braves et se porte