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triomphantes dans tous les coins et recoins de la toile, et l’être humain, émancipé par la peinture, se tiendra debout, joyeux, dans « une après-midi qui n’aura pas de fin. » Attendez, et vous allez voir arriver la lumière.

Nous avons attendu, et nous avons vu arriver M. Cottet...

Il n’est pas mauvais de visiter l’exposition de M. Cottet. Elle n’est pas dans la Centennale, comme celle des impressionnistes, qui sont déjà des « anciens ». Elle est dans la Décennale, comme il convient à un « jeune » et à celui des jeunes qui donne le plus d’espoir. Rien ne peut être plus favorable à la méditation, par une belle matinée de juin, qu’une longue station devant son triptyque de la Vie de la mer ou devant sa Nuit de la Saint-Jean. Mais rien, non plus, ne dispose mieux au scepticisme, car on voit là renaître tout ce que l’impressionnisme avait dû détruire : l’austère composition, la belle ordonnance, les grands partis pris d’ombre, le sentiment profond d’un drame intérieur.

On nous disait encore : « Regardez s’élaborer le paysage de l’avenir. Il ne sera qu’une harmonie en blanc majeur, qu’un inter-échange de lueurs entre les eaux, les herbes, les feuilles, les rayons et les fleurs. Et là il puisera toute sa poésie. Plus d’effets mélodramatiques, plus de ruines savantes, plus de fabriques, plus d’arbres composant leurs silhouettes comme des modèles d’Académie, plus d’effets théâtraux, plus d’orages ! Seulement le clair sceptre de « midi roi des étés, » des maisons neuves avec du rouge de tuile ou du noir d’ardoise, à travers les feuilles tendres des arbres sans prétentions, d’humbles légumes, des eaux sans cascades ni artifices, de petites nuées libres sans architecture. Ayez confiance, et vous allez voir apporter dans nos salons des morceaux de nature éclatans de lumière et de modernité. » Nous avons eu confiance, et nous avons vu apporter les Terres antiques de M. Ménard...

Il est bon d’aller passer un moment devant ces terres antiques, devant l’Orage sur la forêt, l’Arc-en-ciel et l’Harmonie du soir. Il n’est pas dans tout le premier étage du grand palais, sauf dans la salle allemande des Lenbach, un refuge meilleur pour la pensée. Le lourd nuage qui pèse sur ces temples et sur ces golfes semble fait de toutes les tristesses qui pesaient avant le christianisme sur l’humanité. Et les visions spectrales qui s’élèvent de cette terre, bien que ruinées par le temps ou effacées par l’ombre, sont gracieuses encore de toute la grâce païenne que le christianisme