Terre sainte où repose un âge enseveli,
Sèche et lasse poussière où poussent avec peine
Quatre maigres cyprès levant leur torche vaine
Et la triste asphodèle avec sa fleur d’oubli !
Tu ne t’émeus qu’à l’heure où vient la nuit sereine.
Alors, le long du mur sous la lune pâli,
Le doux peuple peint par Bennozzo Gozzoli
Se réveille et prend corps dans l’aube surhumaine.
La foule légendaire en costumes du temps
Erre à pas de silence et de rêve flottans,
Sur l’herbe jaune et sur les dalles mortuaires.
Et ce qui reste d’âme au néant des suaires.
Dans la cendre dormante et dans les os brisés,
Tressaille à cet obscur et fraternel baiser.
Côte à côte allongés dans le même tombeau,
Où depuis cinq cents ans leur dépouille sommeille,
Deux chanoines amis dont l’âme fut pareille
Guettent le rougeoîment du suprême flambeau.
Tous deux officiaient jadis au Baptistère ;
L’écho triste vibra de leurs chants alternés ;
Pieusement, leurs mains douces aux nouveau-nés
Lavaient dans l’eau du ciel les péchés de la terre.
Ils dorment, confians, jusqu’au jour attendu.
Restes sans forme à qui tant d’êtres auront dû
De s’élever peut-être à la vie immortelle.
Et toujours, face à face à l’enclos écarté,
Le massif Baptistère en surplis de dentelle
Près de la porte d’ombre ouvre un seuil de clarté.