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du 17 mars et du 7 novembre 1813 et du 21 novembre 1815. Tout Prussien fut en principe obligé au service militaire pendant trois ans dans l’armée active, deux ans dans la réserve (de 20 à 25 ans), pendant sept ans dans le premier ban de la landwehr (de 25 à 32 ans), pendant sept ans dans le second (de 32 à 37). Pour certains jeunes gens dits volontaires, placés dans des conditions déterminées, le service dans l’armée active était réduit à un an. Quiconque n’était ni dans l’armée active, ni dans la réserve, ni dans les deux bans de la landwehr, entrait dans la landsturm.

On avait exagéré les services que la landwehr avait rendus en 1813 et 1815 ; on l’avait conservée après la paix, surtout à cause de l’état des finances et dans la crainte des complications extérieures. Roon la considérait comme une institution fausse et faible : composée en bonne partie de gens mariés, elle tenait de la milice et de la garde nationale, manquait du véritable esprit militaire, ne fournissait pas une réserve sérieuse ; son inaptitude à un service de guerre effectif était démontrée ; ses officiers, choisis parmi les volontaires, n’avaient pas d’instruction technique ; il était urgent de l’exclure de l’armée active. Si on voulait en conserver le nom à cause de sa belle signification, la défense du pays, il n’y avait qu’à l’appliquer à toute l’armée.

Roon avait exprimé ses critiques et indiqué ses remèdes dans de nombreuses conversations avec Guillaume ; il les avait résumées dans un mémoire (22 juillet 1858). Le Régent, accablé alors des soucis de son installation politique, le renvoya au ministre de la Guerre Bonin. Roon espérait mieux ; il vint à Berlin dire sa déception. Le Régent le reçut avec des yeux humides, une voix émue, et force serremens de mains : « Oui, je comprends tout cela, lui dit-il ; cela doit arriver, mais quand cela arrivera-t-il ? Alors vous devrez être là. » Le ministre de la Guerre ne se prêta pas à ses projets, et chercha à les étouffer ; d’autres tels qu’Alvensleben, le vieux Wrangel, Manteuffel, l’appuyèrent. La mobilisation de 1859, dont la lenteur empêcha l’agression projetée contre la France, mit de nouveau en relief les imperfections signalées dans le mémoire de 1858, et rendit Roon plus ardent à poursuivre la prompte réalisation de la réforme. Néanmoins les résistances ne désarmaient pas. Enfin le Régent, depuis longtemps converti, brusqua la situation et nomma Roon ministre de la Guerre à la place de Bonin, envoyé au commandement d’un corps (5 décembre 1859).