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Roon se met immédiatement à l’œuvre : il opère à la fois la réforme de l’administration de l’armée et celle de son organisation. Il simplifie l’administration en déplaçant son centre de gravité qu’il transporte du ministre de la Guerre au commandant du corps d’armée. Par là la mobilisation deviendra aussi régulière et aussi ordonnée qu’elle a été jusqu’alors lente et confuse. Il complète ses facilités par une étude sur l’emploi des chemins de fer dont on ne s’était pas servi en 1859.

Il transforme radicalement l’organisation militaire. On a dit de Scharnhorst, l’auteur de l’organisation de 1814, qu’il fut l’armurier de la liberté ; Roon se fait l’armurier de la conquête et il en forge le glaive. L’obligation théorique du service militaire avait cessé d’être une réalité ; on n’avait au début levé annuellement que 40 000 hommes, ce qui correspondait environ à toute la partie virile d’une nation de 10 millions d’âmes ; la population s’étant accrue, atteignait maintenant 19 millions, et le chiffre de la levée était resté le même ; d’où il résultait qu’une partie de la population demeurait dans ses foyers exempte de tout service.

Roon proposait : d’abord de rendre effectif le service obligatoire universel, en élevant la levée annuelle à 60 000 hommes, ensuite, tout en maintenant à trois ans le service dans l’armée active, de porter à quatre, au lieu de deux, le service dans la réserve et d’y incorporer les deux premiers bans de la landwehr, composés en général de célibataires ; les autres bans dont le service serait abrégé d’un an ne feraient plus partie de l’armée et on les affecterait, si ce n’est dans des cas d’exceptionnelle gravité, au service de la défense intérieure.

L’augmentation de l’effectif annuel et du temps de la réserve entraînait une extension des cadres « desquels, comme a dit Napoléon, dépend toute la force d’une armée. » Il proposait par conséquent de créer 39 régimens nouveaux d’infanterie et 10 de cavalerie. Enfin il décrétait le perfectionnement du matériel par l’adoption du fusil à aiguille et des canons se chargeant par la culasse.


IV

Pour opérer ces réformes, il fallait de l’argent, beaucoup d’argent. Les projets que présenta Roon au Landtag (10 février 1860) exigeaient une augmentation de dépense de 9 millions