opérée que par une loi. » Puis, renouvelant son inconséquence de la session précédente, il accorde encore les fonds provisoirement, et pour accentuer ce provisoire, à mesure que le fait devient plus définitif, il décide que les fonds accordés passeront du budget ordinaire au budget extraordinaire. C’était d’un haut comique.
Roon avait essayé d’empêcher ces inconséquences par des discours, qui durèrent parfois plus de quatre heures, prononcés lentement, en véritable orateur, d’une voix forte, profonde, d’un ton de confiance et de commandement qui, n’étant pas tempéré par des drôleries à la Bismarck, exaspérait. Ses collègues, s’ils l’eussent osé, se seraient rangés du côté de l’opposition, ne le soutenaient que très mollement : il leur était à charge, parce que, sur d’autres sujets, il se trouvait en aussi complet désaccord avec eux qu’avec la Chambre pour son projet militaire.
Bien des divergences séparaient le roi de ses conseillers, une inarrangeable, parce qu’elle tenait à l’essence même des choses, et qu’elle portait sur le caractère fondamental du régime constitutionnel prussien. Avant de prêter serment à la Constitution qu’il octroyait le 6 février 1850, Frédéric-Guillaume IV avait dit : « La condition vitale de l’œuvre est que la possibilité de gouverner avec cette loi me soit donnée, car en Prusse, le roi doit gouverner, et je gouverne, non pas parce que c’est mon bon plaisir. Dieu le sait, mais parce que c’est l’ordre de Dieu ; c’est pourquoi aussi je veux gouverner. Un peuple libre sous un roi libre, telle était ma devise depuis dix ans : elle est encore la mienne et le sera tant que je respirerai. » — Son successeur avait accepté intégralement cet héritage. Résolu à respecter la Constitution, à ne pas essayer de la restreindre ou de l’escamoter par des interprétations pharisaïques, il n’entendait à aucun prix s’entraîner au delà. En conservant la liberté à son peuple, il ne laisserait pas la bride échapper de ses mains. « Gouverner, c’est régulariser le lit d’un fleuve, disait-il, fortifier sa rive là où les flots Pont rompue ou la menacent, ne pas rendre le lit trop étroit ou trop large, ne point placer de digue au travers, afin que le flot repoussé ne désole pas les plaines environnantes. En Angleterre, les digues ont été placées trop loin ; dans la Hesse électorale et dans le Hanovre, trop près. »