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d’État lui-même, dont il ignorait encore les détails. Interpellé le 3 avril à la Chambre par M. Pourquery de Boisserin, mais déjà en possession alors de rapports plus précis, il put déclarer « regretter que les circonstances eussent forcé le général Gallieni à prendre cette décision sans avoir pu recevoir l’adhésion préalable du gouvernement, parce qu’il aurait tenu à honneur, quant à lui, de joindre sa responsabilité à celle du général. » Sur quoi la Chambre vota à l’unanimité un ordre du jour « approuvant la politique suivie à Madagascar et adressant à l’armée ses patriotiques félicitations ; » et, quelques jours plus tard, le général Gallieni reçut le titre de gouverneur, au lieu de celui de résident, qui n’avait plus de sens.

Ainsi se trouva réglée, pour le plus grand bien de la France et de sa nouvelle colonie, la question politique de l’organisation du pouvoir dans la grande île[1]. Mais, en dépit de l’unanimité du vote de la Chambre, cette solution laissa d’assez durables rancœurs au sein d’un certain parti, dont M. Trarieux s’était fait l’interprète discret au Sénat, et qui affectait de voir dans l’exil de la reine l’action de préoccupations confessionnelles parfaitement étrangères et au gouvernement et au général Gallieni. L’on touche ici à un des problèmes les plus délicats qui se soient posés au moment de l’occupation de Madagascar. Il mérite un exposé d’ensemble.


IX

C’était un axiome indiscuté auprès de la fraction la plus ardente du protestantisme français que M. Laroche avait succombé dans sa tâche sous le seul effet des attaques combinées « des tripoteurs, des militaires et des jésuites[2]. » Le même gouvernement qui, durant le séjour de M. Laroche à Tananarive, avait été dénoncé par une fraction de l’opinion publique, de la presse et du Parlement, comme se faisant le complice, conscient ou non, du prosélytisme calviniste et des menées britanniques, était couramment, depuis l’arrivée du général Gallieni à Madagascar, accusé par le parti adverse d’être le serviteur aveugle de la propagande catholique. Ni les uns ni les autres ne voulaient

  1. L’année suivante, la reine Ranavalo fut transportée avec sa suite en Algérie, où elle habite aujourd’hui.
  2. Lettre d’un pasteur au directeur d’un grand journal de province.