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tique de Stein est le volume qui parut en 1883 sous ce titre : Helden und Welt (les héros et le monde). Ce sont des dialogues dramatiques, mais d’un genre bien différent de ceux, par exemple, de Lucien ou de Voltaire ; le raisonnement n’y entre pour rien, le portrait des personnages est tout ; peut-être se rapprochent-ils des Scènes de la Renaissance de Gobineau, plutôt que de tout autre modèle. Et ces personnages, ce sont des « héros, » dans l’acception que Stein donne à ce terme, c’est-à-dire, des hommes moralement grands, représentés dans leur milieu, dans ce « monde » contre lequel se brise leur volonté. Il y a douze contes en tout, trois ont trait à l’antiquité grecque, trois à Rome, trois au moyen âge, trois aux temps modernes. Ainsi défilent devant nos yeux Solon, Timoléon, Alexandre, Annibal, la mère des Gracques, Pompée, sainte Catherine, Luther, l’un des Bach, Giordano Bruno (avec Shakspeare), Cromwell, et un ouvrier de fabrique. Trois autres contes de la même série traitaient de la Révolution française : la mort de Marat, le Dauphin, Saint-Just ; ils n’ont été publiés qu’en 1894. La pensée dominante du livre est bien exprimée dans cette phrase : « Quelle que soit la puissance obscure et prodigieuse cachée derrière les choses, il reste certain que le seul chemin qui y conduise est celui de cette pauvre vie ; donc nos actions, pour fugitives qu’elles soient, ont sûrement une portée morale, profonde et éternelle. » Mais, si la thèse est visible, les personnages nen sont pas moins individualisés avec un incontestable talent. On devine même, sous ce masque un peu fatigant du dialogue, des dispositions marquées pour le drame. Et, chose singulière, Stein, l’homme si austèrement viril, réussit surtout dans l’expression des caractères féminins : telles, Cornélie, sainte Catherine, et la fille de Cromwell.


Un volume posthume, publié en 1888, contient, outre une série de nouveaux dialogues dramatiques, — dont l’un surtout, Frédéric le Grand, est d’une beauté supérieure, — une tragédie en un acte, et une série de contes qui montrent Stein sous un nouveau jour. Qu’on imagine un Guy de Maupassant chaste, si faire se peut. Il y a là une variation du thème de l’Ingénu (La patrie du sauvage) et un récit d’assassinat qui sont tout à fait remarquables d’observation et de style ; avec cela, un sang-froid qu’on n’aurait jamais soupçonné chez Stein. Et pas l’ombre d’une thèse : de l’art pur, et du meilleur. Dans ce même volume, trois dialogues sont