Ce n’est ni au poids, ni au mètre que s’apprécie un roman. Pourtant quand on voit qu’un auteur, tout en sachant combien le public est frivole et vite lassé, s’est donné la peine de mener à bout un ouvrage considérable par les dimensions mêmes, on est tout de suite disposé en sa faveur. Il n’est guère probable qu’il en eût tant écrit s’il n’avait rien à dire, et puisqu’il demande au lecteur un effort d’attention et de patience, c’est qu’il se sent en mesure de l’en récompenser. Lui, de son côté, il a « donné son effort ; » il a voulu une bonne fois montrer de quoi il est capable quand il s’applique, ce qu’il peut mettre dans un livre où il met tout son talent, et ce qu’il sait faire quand il fait de son mieux. Il n’est pas de plus sûr moyen pour dissiper tout malentendu et fixer l’opinion. C’est celui que vient de prendre M. Marcel Prévost, Il n’avait depuis quelque temps fait paraître aucun livre, et les lecteurs habitués à recevoir son romain annuel pouvaient se demander s’il les oubliait et à quoi il employait ses loisirs. Il les employait laborieusement. Il se présente à nous aujourd’hui avec deux romans, dont l’un, Frédérique[1], remplit cinq cents pages, et l’autre, Léa, n’occupe pas moins d’espace. Ces deux romans se font suite, en sorte que nous voyons mourir, dans le second, des personnages que nous avions rencontrés ou même que nous avions vus naître dans le premier. Les pages qui terminent Frédérique n’ont pas la valeur d’une conclusion et ne nous dispensent pas de lire Léa. De même les pages par où débute Léa ne sont qu’un résumé du roman précédent et ne
- ↑ Les Vierges fortes : Frédérique. Léa, par M. Marcel Prévost, 2 vol. (Lemerre).