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nos engins de civilisation, ce qui nous oblige à des précautions que nous avons eu grand tort de négliger jusqu’ici. C’est à les prendre, à les faire accepter, à les imposer, que devra s’employer l’énergie de tous les gouvernemens.


En Italie, ce qu’il était trop facile de prévoir est arrivé : le ministère Pelloux a succombé sous les fautes qu’il avait vraiment un peu trop accumulées dans sa politique intérieure. C’était de sa part un coup de partie extrêmement dangereux que de dissoudre la Chambre et de consulter le pays : il ne lui a pas réussi. Des élections nouvelles n’auraient pu le consolider qu’à la condition de grossir considérablement ses troupes et d’amoindrir considérablement celles de l’ennemi. Rien de cela ne s’est produit. La situation parlementaire, le lendemain des élections, s’est retrouvée sensiblement la même que la veille au point de vue de la force numérique des deux partis, plus mauvaise par conséquent au point de vue de la force morale du cabinet. N’ayant pas été vainqueur, il était vaincu ; mais le général Pelloux ne voulait pas en convenir, et il lui a fallu une démonstration nouvelle de cette vérité, évidente à tous les autres yeux qu’aux siens, pour qu’il s’inclinât finalement et remît sa démission entre les mains du roi. Une première bataille a eu lieu pour l’élection du président de la Chambre ; il a pu croire l’avoir gagnée. Son candidat, M. Gallo, a été élu. Mais il ne l’a été qu’à une majorité beaucoup plus faible qu’on ne l’avait prévu. Si le général Pelloux espérait encore gouverner dans ces conditions, M. Gallo a compris parfaitement qu’il ne pourrait pas présider. Avant les élections comme après, toutes les fois qu’on se comptait, les ministériels étaient en majorité ; mais aussitôt qu’on discutait, cela ne leur servait plus à rien. L’obstruction se joue de la majorité : il lui suffit de ne pas en tenir compte pour la réduire à rien. M. Gallo a donc ouvert des négociations avec les obstructionnistes ; il a sondé leurs dispositions ; il les a trouvés irréductibles. Aussitôt il a donné sa démission. C’était un bon exemple : le général Pelloux s’est décidé à le suivre. La démission du président de la Chambre devait inévitablement entraîner la sienne. Mais pourquoi n’a-t-il pas pris ce parti plus tôt ? Il aurait épargné à son pays bien des agitations inutiles.

Le roi a fait appeler M. Saracco, président du Sénat, et l’a chargé de former un nouveau Cabinet. M. Saracco est un homme de quatre-vingt-deux ans : il a sans doute d’autres qualités encore, mais il a certainement de l’expérience. A son âge, généralement, on a aussi très peu d’illusions. M. Saracco ne doit pas avoir celle d’avoir fait un Cabinet