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l’Allemagne par la liberté. » Il ignorait sans doute cet autre mot d’Henri Heine, que « le patriotisme d’un Allemand consiste en ce qu’il cesse d’être un citoyen du monde, un Européen, pour n’être plus qu’un strict Allemand. »


IV

Seconder efficacement l’œuvre de la démocratie italienne, et laisser faire la démocratie allemande : telle était, sous l’Empire, la politique du parti républicain. Cette politique nous imposait des sacrifices militaires : car l’action française en Italie, surtout si on l’eût poursuivie après Villafranca, réclamait un sérieux appareil d’offensive ; et la démocratie allemande, qui sous nos yeux armait l’Allemagne ou du moins la laissait armer, nous contraignait à certaines mesures de défense. Ainsi ces deux nationalités nouvelles, même en les admettant, a priori, sœurs de la France et devancières d’une fédération européenne, exigeaient l’existence, en France, d’une solide force armée. Mais ici le parti républicain reculait ; et au nom de cette même idée de la fraternité des peuples, il voulait diminuer, le plus promptement possible, l’importance et le prestige de l’institution militaire. D’une part, il prétendait mettre la France, comme soldat, au service des divers mouvemens démocratiques ; et, ce soldat, d’autre part, il commençait par le vouloir désarmer.

Un publiciste du parti, Marc Dufraisse, faisait exception par la netteté de ses vues et la crânerie de ses conclusions. Volontiers il eût pris pour maxime l’alternative qu’exprimait sous la seconde République Emile de Girardin : « Ou paix et liberté, ou guerre et despotisme » ; il n’aimait pas à voir les troupes du second Empire se faire, au delà des Alpes, les messagères de la nationalité italienne ; les « corne-guerre », comme il les appelait, qui poussaient Napoléon III vers le rôle d’émancipateur des autres peuples, faisaient l’effet à Dufraisse d’être les complices de l’oppression de la France. Son aversion systématique contre l’œuvre napoléonienne lui inspirait une défiance quasi prophétique à l’endroit des États nouveaux dont Napoléon III encourageait ou tolérait la formation ; et loin de se débattre, comme beaucoup d’autres membres du parti républicain, entre la vieille doctrine de l’intervention armée pour la liberté des peuples et l’hostilité instinctive contre le militarisme, agent nécessaire