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couples mal assortis de prétoriens ressuscites et de femmes éplorées s’en allaient dans les coulisses, pour redevenir de pacifiques élèves du Petit Château. Onze ans après, Macé, estimant que « la guerre n’est, à le bien prendre, qu’une vieille tradition de l’enfance des peuples et que les débats de gloire militaire ne sont pas moins puérils dans la bouche des hommes que dans celle des petites filles, » présenta l’Anniversaire de Waterloo sur la scène du monde, en escomptant le même effet qu’il avait produit sur la scène du Petit Château. Il eut lieu d’être satisfait : « J’ai vu dans ce livre, lui écrivait une de ses anciennes élèves, une invitation à se rallier à la Ligue de la Paix : j’en suis moralement, et lors de la question du Luxembourg, j’eus occasion de ramener à des idées de paix un bouillant capitaine d’état-major. » Les « frères » hanovriens de l’ancienne loge l’Ours Noir remerciaient Macé, et souhaitaient que ces idées se propageassent « dans le cœur des deux nations. »

L’œuvre littéraire de deux maçons d’Alsace, Erckmann et Chatrian, fut consacrée presque tout entière à cette propagande. Leurs premiers écrits : Hugues le Loup, Daniel Rock, les Contes des bords du Rhin, les Contes de la Montagne n’étaient rien plus que des œuvres d’imagination, aimables et curieuses par leur réalisme pittoresque. A partir de 1863, à mesure que se développaient l’esprit d’internationalisme et la défiance à l’endroit des armées permanentes, les romans d’Erckmann et de Chatrian acquirent une plus sérieuse portée. Madame Thérèse et le Conscrit de 1813 développèrent cette idée, qu’une armée de citoyens, exclusivement destinée à des guerres défensives, — les seules qui soient séantes, — est invincible ; Waterloo et l’Histoire d’un paysan furent une violente satire contre l’esprit de conquête et contre le militarisme dont cet esprit est le fruit. « Que les despotes qui divisent les nations pour les opprimer disparaissent de ce monde, et que la sainte fraternité réunisse tous les peuples de la terre dans une même famille ! » C’est en ces termes que le docteur Wagner, représentant des deux écrivains, conclut Madame Thérèse. — Joseph Bertha fut conscrit en 1813, soldat encore à Waterloo ; il, maudit les batailles de 1813, épisode suprême de « ces guerres de conquête qui rapportent à leur auteur, non la gloire d’un homme, mais la gloire d’une bête sauvage ; » il se laisse enfiévrer à Waterloo, quelques minutes durant, par une proclamation de Napoléon ; mais il réagit aussitôt : « Est-ce que ce n’est