Le général André ne s’est pas rendu compte de ces intérêts, ou, s’il l’a fait, il en a préféré d’autres. Il a introduit la politique dans l’État-major. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le général Delanne d’abord, le général Jamont ensuite ont remis leurs démissions entre ses mains. Ils l’ont fait l’un et l’autre d’une manière très correcte. Ils ont déclaré que, dans les conditions nouvelles qui leur étaient faites, ils ne se sentaient pas en mesure de soutenir plus longtemps le fardeau d’une responsabilité devenue trop lourde. Ils priaient en conséquence le ministre, le premier de le relever de ses fonctions, le second de le mettre en disponibilité. Par une contradiction difficile à expliquer, le gouvernement a d’abord refusé la démission du général Delanne, puis il l’a acceptée en même temps que celle du général Jamont. Il aurait certainement mieux valu les accepter l’une et l’autre aussitôt qu’elles ont été données, ou les refuser également. Mais les journaux ministériels ont feint de croire pendant quelques jours qu’une comédie avait été jouée entre le ministre de la Guerre et le chef de l’État-major. Celui-ci avait donné sa démission pour ne pas laisser croire à ses collaborateurs sacrifiés qu’il ne les avait pas suffisamment défendus ; celui-là l’avait refusée, et avait donné à son subordonné l’ordre de rester en place, à sa secrète, mais profonde satisfaction. Il faut faire de ce roman le cas qu’il mérite. La démission du généralissime, suivant de près celle du chef de l’État-major, a prouvé qu’il s’agissait d’une démarche sérieuse et définitive. Les ministériels se sont alors écriés que le général Delanne et le général Jamont avaient perpétré un véritable pronunciamiento, et que, si cela continuait, il n’y aurait bientôt plus de Pyrénées. Ces argumens font sourire. Un chef d’État-major, non plus qu’un généralissime, ne peuvent pas être mis par ordre dans leurs bureaux, comme on met un planton à leur porte. La première condition et aussi la première garantie pour le bon exercice de fonctions aussi redoutables, c’est que ceux qui en sont investis aient confiance dans leur œuvre. S’ils ne l’ont pas, ce n’est pas la confiance d’un ministre de hasard qui pourrait s’y substituer. Il a plu au général André de dire à la Chambre que la lettre du général Jamont contenait une critique d’un acte du gouvernement. Que n’aurait-on pas dit si le général avait donné sa démission sans en indiquer le motif ? Il l’a fait très simplement, dans une lettre adressée à son chef hiérarchique et qui n’a été publiée que par celui-ci. Encore une fois, qu’y a-t-il de répréhensible dans son attitude ?
Mais les généraux Delanne et Jamont n’ont pas besoin d’être défendus. Ils n’ont fait que ce qu’ils avaient à faire ; ils n’ont dit que ce