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qu’ils avaient à dire. Nous avons, nous, simples citoyens, à dire davantage. C’est un acte sans précédent que celui que vient de se permettre le général André. Nous ne discutons pas les choix qu’il a faits pour remplacer les généraux démissionnaires. Peut-être sont-ils excellens ; mais, seraient-ils meilleurs encore, cela n’empêcherait pas qu’un mal très grand n’ait été fait. Devant l’omnipotence sans règle et sans frein du ministère actuel, rien ne saurait tenir debout. Toutes nos institutions sont frappées et abaissées l’une après l’autre : le tour de l’armée était venu. L’État-major général, après les secousses de ces derniers temps, avait été réorganisé en dehors de toute préoccupation politique. Le général Delanne, personnellement, n’était pas suspect. Mais on a voulu, pour mieux montrer la suprématie du « pouvoir civil » sur le « pouvoir militaire, » le traiter comme un subalterne dont on n’avait pas à écouter l’avis. Il nous importait peu de savoir s’il était l’inférieur du ministre ; c’est là une thèse de tribune ; en réalité il était autre chose. Il avait un droit propre, qui n’a pas été respecté. Peut-être le général André n’avait-il pas prévu toutes les conséquences de son petit coup d’État. Quoi qu’il en soit, du haut en bas de l’édifice militaire, il s’est fait une large lézarde, que tout le monde a pu voir, et qui n’a pas disparu sous le replâtrage hâtif dont on l’a couverte. Et cela est très grave. En vain la Chambre et le Sénat ont-ils multiplié les ordres du jour de confiance dans le gouvernement. En vain le Sénat a-t-il ordonné l’affichage d’un mauvais discours de M. Waldeck-Rousseau. Ces manifestations parlementaires ne changent rien à la vérité des choses. On en a vu, autrefois, de non moins éclatantes : elles n’ont jamais empêché les conséquences de sortir logiquement, fatalement, brutalement des causes qui devaient les produire. Dieu nous garde de faire des prédictions pessimistes ! Nous comptons toujours sur le génie de la France et sur sa puissance de relèvement ; mais enfin ce génie n’a pas été sans éclipse, ni cette puissance sans limites. En tout cas, on inaugure aujourd’hui une politique nouvelle à l’égard de l’armée : nous doutons qu’elle réussisse aussi bien que celle qui avait précédé. Il (appartenait au ministère actuel de nous y conduire. Il lui appartenait de nous donner le général André.


Bien que les dernières nouvelles soient un peu meilleures que les précédentes, nous restons toujours dans une grande inquiétude au sujet des affaires de Chine. On sait fort peu de chose de ce qui se passe à Pékin. Un jour, tout y a été mis à feu et à sang ; le lendemain, il semble que ces récits aient été exagérés, peut-être même controuvés ; qu’apprendrons-nous