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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/584

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Au dehors, les Chambres apparaissent comme un lieu plein de tumulte où « la moitié des gens réputés les plus habiles du pays se donnent toutes les peines du monde pour empêcher l’autre moitié de gouverner, » en attendant qu’elle lui arrache le pouvoir. L’habitude se prend, pour l’acteur et le spectateur, de considérer la politique « comme un jeu très intéressant, comme une interminable partie de cricket entre les jaunes et les bleus. » Et, en vérité, c’est bien cela. La partie est d’autant plus animée qu’il y va d’un enjeu de valeur matérielle fort appréciable : tous les emplois de l’Etat et toutes ses grâces. De même qu’il n’est député si obscur qui ne fasse comprendre au ministère ce que pèse une voix dans un scrutin à l’heure du péril (c’est là le véritable objet des groupes, en multipliant zéro un certain nombre de fois, de créer une influence), de même il n’est si mince gentillesse du ministère, qui ne soit monnaie d’achat, remboursable en fidélité au comptant ou à terme. La feuille des bénéfices est devenue tout un livre : pour les uns, il s’agit de le garder quand même, pour les autres de s’en emparer. Qui l’a en mains, et qui en détache les feuilles, mettant au bas sa signature, qui les laisse à son gré s’envoler vers telle ou telle poche, dispose à son gré des choses et des hommes ; on le ménage pour qu’il accorde ; on le caresse pour qu’il fasse caresser : séducteur et séduit, corrompu et corrupteur, produit du parlement qu’à son tour il frappe ou refrappe à son effigie, en cette grande débauche dont le Trésor fait les frais, c’est lui, le grand entremetteur :


Galeotto fù il libro, e chi lo scrisse.


Et, de flatterie en sourire, nous retombons dans « le favoritisme » le moins déguisé, que suit de tout près, — la preuve n’en est que trop acquise, — l’« affarisme » le moins décent. Mais, tandis que de cette façon, par la recommandation et l’hommage, — par une série circulaire d’hommages du candidat au comité, du comité au chef de groupe, du chef de groupe au ministre, puis, en retour, du ministre au chef de groupe, du chef de groupe au député, et du député au gros électeur, — se reforme, exactement comme l’autre s’était formée, une féodalité ; tandis que les gens du clan opèrent leur petit partage, le reste, — c’est-à-dire le pays, neuf millions de citoyens sur dix, — regarde, s’impatiente, et ne voit rien venir. Lorsque la route poudroie, c’est le percepteur avec sa sacoche ou l’afficheur avec son pot à colle. Le