L’horizon, qui était si sombre, il y a quinze jours, du côté de la
Chine, ne l’est guère moins aujourd’hui ; en tout cas, il reste fort
obscur. On a regardé d’abord comme infiniment probable que tous
les étrangers, et plus spécialement les représentans des puissances,
avaient été massacrés à Pékin ; on semble croire maintenant qu’ils
seraient encore vivans : mais, comme ces impressions contraires proviennent également de nouvelles chinoises, il faut se défier des unes
et des autres. Ce qui avait fait ajouter foi aux premières nouvelles,
si pessimistes, c’est qu’on n’apercevait pas l’intérêt qu’auraient eu les
Chinois à les faire ou à les laisser courir si elles étaient fausses, alors
qu’il leur aurait été facile de les démentir tout de suite ; et ce qui fait
qu’aujourd’hui on s’en rapporte aux secondes, c’est qu’évidemment
les Chinois n’auraient aucun intérêt à les propager, et à leur donner
même un caractère officiel, si l’événement devait les démentir le lendemain. A l’horreur que provoquerait la confirmation des massacres,
se joindrait une indignation poussée jusqu’au paroxysme, si le gouvernement chinois était convaincu d’avoir indignement trompé
l’Europe, en réveillant chez elle une espérance destinée à rendre la
déception finale plus cruelle. La conscience universelle se révolterait
contre une telle perfidie, et la situation internationale de la Chine
s’aggraverait de plus en plus.
Les dernières nouvelles de Pékin montrent qu’on commence à y comprendre la gravité de cette situation. Avant même que les renforts envoyés par les puissances aient touché le territoire asiatique, la ville indigène de Tientsin a été prise. Depuis plusieurs jours, l’au- dace des Chinois grandissait à Tientsin. Ils étaient de beaucoup les plus nombreux, ils étaient bien armés, ils montraient une habileté