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c’était l’une des causes principales du mal. — « Comme les séminaires n’existaient point encore et que les écoles presbytérales tombaient en ruine, aucune étude sérieuse ne préparait à la réception des saints ordres ceux qui s’engageaient, en les recevant, à devenir la lumière du monde. Dès qu’un jeune homme savait assez de latin pour expliquer un évangile de la messe et entendre le bréviaire, on le jugeait capable d’être élevé au sacerdoce. Ce que devenaient l’administration des sacremens et l’instruction religieuse en de telles mains, il est facile de le concevoir. On trouvait des prêtres qui baptisaient sans faire aucune onction, qui bénissaient des mariages sans en avoir les pouvoirs, qui ne savaient même pas la formule de l’absolution, qui se permettaient de changer, d’abréger, de transposer à leur gré les augustes paroles du plus redoutable des mystères. Voués au mutisme, ces pasteurs indignes désertaient la chaire : plus de prônes, plus de catéchisme ; le peuple, privé de toute instruction, ignorait… parfois même jusqu’à l’existence de Dieu[1]. »

Les mœurs allaient de pair avec l’instruction. Après l’office, — sauf toujours les exceptions, mais elles étaient rares, — le curé de campagne s’en venait au cabaret avec ses paroissiens, sans même ôter son surplis, et ce n’était pas encore le plus grave : il donnait en tout et toujours des exemples lamentables. — « On peut dire avec vérité et avec horreur, s’écriait l’austère Bourdoise, l’ami de M. de Bérulle, que tout ce qui se fait de plus mal dans le monde est ce qui se fait par les ecclésiastiques. » Le Père Amelotte s’exprimait avec plus d’énergie encore. « Le nom de prêtre, écrivait-il, était devenu synonyme d’ignorant et de débauché. » On en est à se demander si les milliers de villages qui n’avaient plus de curés, n’ayant plus d’églises ni de presbytères depuis les guerres de religion, étaient plus à plaindre que ceux où de pareils hommes provoquaient le peuple du matin au soir, par leur conduite, à manquer de respect aux représentans de Dieu sur la terre. Il ne semble pas que les paroisses entièrement abandonnées fussent enfoncées dans des ténèbres religieuses ou morales plus épaisses, dans des superstitions plus grossières ou plus abominables que celles où les « pasteurs indignes » ne servaient de guides à leurs ouailles que vers le mal. Les unes et les autres n’étaient plus chrétiennes que de nom ; l’œuvre des

  1. M. l’abbé M. Houssaye, loc. cit.