dit énergiquement le dernier biographe de François de Sales[1], et ce mot résume tout, éclaire tout.
Telle était la situation, lorsqu’une petite phalange d’hommes admirables entreprit de relever les églises catholiques de leurs ruines matérielles et morales. François de Sales fut l’ouvrier de la première heure de cette œuvre difficile. Il était venu à Paris en 1602. Il fut frappé de la science de nos théologiens d’une part, de leur froideur religieuse de l’autre. Ce n’est pas un Du Perron qui serait resté court, comme lui, François de Sales, dans une controverse avec un hérétique. Ce n’est pas non plus Du Perron qui aurait persuadé l’hérétique, toujours comme François de Sales, par la seule chaleur d’une dévotion amoureuse. — « Il vit des sages et non des chrétiens, » dit l’un de ses biographes[2], et voici ce qu’il connut, d’un autre côté, en fréquentant les gens du monde : — « Il était resté dans quelques âmes une ardeur religieuse qui s’était comme repliée sur elle-même ; ces âmes vivaient en dedans ; elles vivaient d’une vie intérieure. Isolées, sans direction, elles se cherchaient, se rencontraient par hasard ou à dessein, se comprenaient entre elles, alors que les autres ne les comprenaient pas, se conseillaient, s’encourageaient, et, dans ce triste état de dispersion où le siècle les condamnait, elles rêvaient l’union et la douce intimité du monachisme… » Ce spectacle accrut les doutes de François de Sales sur l’utilité des controverses. Il lui semblait que nos théologiens se trompaient de route, qu’ils méconnaissaient « la puissance de la piété, » et qu’ils feraient de meilleure besogne en travaillant à réveiller le sentiment religieux dans les foules qu’en les accablant de leurs raisonnemens. Sa propre tâche se dessinait lentement devant ses yeux. Elle consistait à « accroître la piété,… non pas celle qui s’isole du monde, vit dans les couvens et, enlevant au monde l’exemple de la ferveur, éteint tous les foyers du sentiment religieux : mais bien celle qui s’accommode à la vie « commune, »… celle qui « instruit à la vie civile et forme un homme pour le monde. » Il en vint à n’avoir plus d’autre but que d’amener un « réveil religieux et sentimental, » afin que les cœurs catholiques s’ouvrissent à la vérité qui faisait la force des réformés : la vie religieuse « n’est pas une attitude », les pratiques ne sont pas ce qui sauve l’homme, mais bien le changement de