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notre ministre doit peser beaucoup dans la balance. Mais cette opinion est-elle unanime parmi les ministres européens, ou parmi leurs gouvernemens ? Une dépêche de Saint-Pétersbourg annonce que le gouvernement russe a autorisé M. de Giers à rejoindre Tien-Tsin avec une escorte chinoise, après s’être fait donner toutes les garanties nécessaires à sa sécurité. On comprend la gravité de cette décision. D’autres part, la présence de 3 000 chrétiens change, il faut l’avouer, les élémens du problème ; car, si nous pouvons exiger du gouvernement chinois qu’il ramène lui-même nos compatriotes à Tientsin en le rendant responsable de leur vie, il est plus délicat de lui imposer encore l’obligation de remettre lui-même entre nos mains 3000 de ses propres sujets, fussent-ils chrétiens. Nous ne savons pas quelle résolution sera prise ; mais l’entraînement qui portait déjà la plupart des puissances à se prononcer pour la marche sur Pékin ne peut qu’augmentera la lecture du télégramme de M. Pichon. Quelques jours avant l’arrivée de ce document au quai d’Orsay, une dépêche de Shanghaï portait que Li-Hong-Chang avait annoncé que le gouvernement chinois faisait escorter les ministres jusqu’à Tientsin. Li-Hong-Ghang était exactement informé : telle était bien l’intention du Tsong-li-Yamen. Comment Li-Hong-Chang, comment le Tsong-li-Yamen, surtout si les puissances avaient demandé en elTet à maintes reprises l’envoi des ministres à Tientsin, auraient-ils pu prévoir que ceux-ci refuseraient d’y aller avec une escorte chinoise ? M. Pichon donne sans doute à cela de sérieuses raisons : mais son télégramme nous place, et place le gouvernement chinois, en présence d’une situation nouvelle.

Il faut donc croire que les ministres, les étrangers et les 3 000 Chinois assiégés à Pékin ont des moyens de se maintenir assez longtemps encore, dans le cas où ils seraient attaqués de nouveau, et ce cas n’a rien d’invraisemblable : il est même fort à craindre que la marche sur Pékin n’y soit le signal d’une nouvelle explosion de fureur fanatique. Dès lors, la question est de savoir dans quel délai une colonne expéditionnaire peut arriver sous les murs de la capitale. Les nouvelles parfaitement contradictoires, bien que quelques-unes eussent un caractère ofliciel, qui ont couru depuis plusieurs jours, les unes affirmant, les autres niant avec énergie que la marche en avant était commencée, ne peuvent que jeter du trouble dans les esprits. Non seulement elles nous laissent perplexes sur une vérité qu’il est si difficile de démêler, mais elles font craindre que l’accord le plus parfait ne règne pas, quoi qu’on en ait dit, entre les puissances. On sait