sait si la colonie étrangère, dans les conditions où elle se trouve et que nous connaissons encore si imparfaitement, est en mesure de tenir jusque-là ? Autant de questions qui se pressent dans l’esprit, et qui y restent malheureusement sans réponse.
Deux exagérations sont à craindre : celle qui consisterait à avoir trop de confiance dans la sincérité du gouvernement chinois, et celle qui consiste à n’en avoir systématiquement aucune. Nous sommes bien revenus de la première, mais il nous arrive parfois de tomber dans la seconde. Le gouvernement chinois mérite à coup sûr qu’on se défie de lui ; toutefois, il commence à se rendre compte des responsabilités qu’il a encourues, et, loin de les accroître, il s’efforce évidemment de les diminuer. Peut-il conduire de Pékin à Tientsin, sans danger pour leur sécurité, la colonie étrangère et au besoin nos protégés ? Est-il assez fort pour cela, assez maître de ses propres troupes, assez sûr de ses officiers ? Naturellement, nous l’ignorons ; mais, s’il peut le faire, il devient de plus en plus certain qu’il le désire. Seulement, s’il le désire aujourd’hui, rien ne prouve qu’il le voudra encore demain, car il obéit successivement à des influences contraires, s’exerçant sur lui tantôt dans le sens de la modération, tantôt dans celui du plus aveugle fanatisme. On croit voir chez lui de la mauvaise foi, et sans nul doute il y en a ; mais n’y a aussi, comme dans tous les gouvernemens à la fois faibles et violens, de l’inquiétude et de la versatilité. C’est ce dont nous ne tenons pas suffisamment compte. Un autre travers auquel cèdent quelques-uns d’entre nous est de vouloir, pour mieux intimider les Chinois, user contre eux de réciprocité, et employer contre eux des moyens barbares, parce qu’ils l’ont fait contre nous. Ce serait descendre à leur niveau. Plusieurs journaux ont parlé de faire de Li-Hung-Chang un otage, et un membre de la Chambre des communes a même demandé au gouvernement s’il n’aurait pas recours à cette menace. M. Brodrick a répondu que l’Angleterre avait informé le gouvernement chinois qu’il serait tenu personnellement responsable, si les membres des légations ou d’autres Européens étaient maltraités ; mais il a ajouté qu’il ne croyait pas qu’en faisant de plus amples notifications de ce genre, on atteignît un résultat utile. M. Delcassé, on s’en souvient, s’est servi de ce procédé à l’égard du gouverneur du Yunnan, et cela a réussi. Qu’on agisse de même envers les membres du gouvernement chinois, nous le comprenons aussi ; mais pourquoi ? Parce que le gouverneur du Yunnan était vraiment et directement responsable de la vie de M. François, comme les membres du gouvernement chinois le sont de celle