Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De ce côté le succès était complet. Il avait même été suffisamment rapide. Il n’en fut pas de même dans les négociations entamées quelques semaines plus tard avec la Grande-Bretagne : elles traînèrent plusieurs mois et n’aboutirent pas à un aussi brillant résultat, mais réparèrent cependant, en définitive, une large partie du dommage produit par l’arrêt de notre expansion en 1895.

Bien que, — on ne saurait trop le répéter, — « le fait accompli » soit, en Afrique, le seul argument possédant une réelle valeur, les Anglais estimaient qu’il s’était réalisé trop de faits à leur détriment dans les derniers mois. Leur mauvaise humeur était grande. La Compagnie royale du Niger s’était fort inquiétée de l’occupation par M. Bretonnet de la rive droite du fleuve ; elle avait tout mis en œuvre pour amener le gouvernement français à faire évacuer Boussa, comme, deux ans auparavant, il avait évacué Arenberg, annonçant l’envoi de gros contingens de troupes et d’hommes de main sur le bas Niger pour l’y contraindre au besoin. Le gouvernement français ne broncha point devant ces menaces ; il attendit paisiblement d’une discussion contradictoire des titres et des positions acquises la solution normale du conflit. La Compagnie royale changea aussitôt de tactique : elle concentra tous les moyens dont elle disposait, — ils sont nombreux et puissans, — pour agiter la presse et peser sur les résolutions du cabinet de Londres.

Rien n’est curieux comme de suivre, pour ainsi dire au jour le jour, le développement de cette savante campagne, qui, modérée et courtoise au début, s’irrite et s’exaspère à mesure que l’on constate l’insensibilité et le sang-froid de la France, en même temps qu’elle redouble d’intensité lorsque les difficultés intérieures que traversait alors notre pays semblent offrir une occasion meilleure pour nous imposer des prétentions excessives. Bien non plus n’est plus ignoré, ou plus oublié, quoique singulièrement instructif : on y voit en effet et le médiocre cas qu’il faut faire des polémiques de presse, lors même qu’elles sont l’œuvre de publicistes britanniques, et la manière dont les étrangers savent exploiter, sinon même favoriser à leur profit, nos dissensions intestines.

« Les Français se repaissent, brûlent et détruisent tout sur leur passage, » disait le Times en parlant de l’occupation de Boussa par M. Bretonnet, occupation faite de l’aveu et sur la