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de Castille et d’Aragon en portaient d’à peu près semblables, à la passementerie près. Les tapisseries de Naples qui représentent la bataille de Pavie[1], pour être bien postérieures, nous montrent des coureurs, des genétaires, cavaliers armés à la genète, qui sont encore vêtus de sayes de même coupe. Mais on peut dire aussi que dans l’Inde centrale et occidentale on use encore de pareils vêtemens. La remarque, pour l’épée, est identique : en Arabie, dans le Hadramaut notamment, on voit encore aujourd’hui des épées qui, pour être moins riches, n’affectent pas moins une architecture semblable. La dague, avec les expansions ailées de son pommeau, rappelle certains kandjiars turcs ; l’épée d’estoc qui l’accompagne paraît, au contraire, établie suivant la tradition marocaine, comme les deux petites gibecières de cuir brodé qui accompagnent la tunique. Voici donc des objets, au premier abord bien disparates, qui forment cependant un ensemble logiquement complet. Reprenons-en l’examen d’une façon plus sévère.

Et tout d’abord leur origine est d’une sincérité irréprochable. Ils portent, depuis plus quatre cents ans, leurs lettres de noblesse avec eux : « Toutes ces pièces merveilleuses, dit le comte de Valencia, faisaient partie des riches donations faites par les rois catholiques à don Pedro Fernandez de Cordoba, seigneur de Salares, et à son frère don Diego, alcade de los Donceles, à la suite de la déroute et de la capture de Boabdil el Chico, à la bataille de Lucena, en 1483. » Par héritage, elles passèrent dans la famille du marquis de Villaseca ; aujourd’hui, elles appartiennent à la marquise douairière de Viane. Leur conservation est parfaite. La dalmatique a gardé sa doublure de simple toile. Car, suivant une coutume encore aujourd’hui courante en Inde, la doublure est toujours d’un tissu de coton très ordinaire, au contraire de ce qu’on observe dans nos vêtemens occidentaux, où les dessous tendent de plus en plus à se faire d’une étoffe plus précieuse que l’habit lui-même. La dalmatique que portait à Lucena le dernier roi maure de Grenade, sans doute par-dessus ses armes de mailles, est ouverte devant, et accompagnée sur tout son pourtour d’une passementerie d’or assez fine, avec attaches, fixées au droit de la poitrine, et d’un pareil travail. La ceinture, encore munie de sa boucle, est brodée d’or et d’argent par un

  1. Luca Beltrami, La Battaglia di Pavia illustrata negli Arruzi ciel March, del Vasto, Milan, 1896 ; in-f°, pl. VI.