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étonnantes du Millénaire hongrois, au mois de juin de l’année 1896, alors que la couronne de saint Etienne, symbole matériel de la patrie hongroise, fut menée par les rues de Bude, dans un carrosse attelé de six chevaux blancs et entouré par toute la noblesse des comitats. Ceux-là seuls, devant qui a passé ce tourbillon d’hommes et de chevaux dans l’étincellement des soies, des velours, des plumes, des orfrois et des gemmes, ont compris ce que fut cette nation fastueuse et chevaleresque qui lançait, dans une immense clameur de joie et d’orgueil, comme un défi à notre civilisation morne, méthodique et lassée. Il ne m’a pas été donné d’admirer cette évocation magique du passé. Mais à considérer les chevaux couverts de ces somptueux harnais, je m’associais à l’enthousiasme du commissaire hongrois qui me faisait les honneurs de ces richesses, et je songeais aux cavaliers de l’Inde que j’avais vus tourbillonner, comme un essaim de brillans insectes, dans la poussière des parades. Les Mahrattes et les Hongrois appartenaient bien à la même famille, comme ces bons guerriers du temps passé dont la seule joie était d’aller à la mort sous de belles armes et de marcher au canon en grande tenue.

Amateurs effrénés de fantasias et de carrousels, les Hongrois n’ont pas dû nourrir le même amour pour les tournois occidentaux. Les armures de joute exposées sont toutes franchement allemandes. Dans la superbe série, qui vient surtout de la galerie d’Ambras, on trouve les types principaux du XVe au XVIIe siècle, avec les hautes pièces de divers modèles. Encore qu’en général la haute pièce soit faine demi-bavière, dont le côté droit est absent, la plupart de ces casques allemands en possèdent qui habillent complètement la ventaille de l’armet et forment une muraille fixe derrière laquelle le jouteur se tient complètement à l’abri. Pour voir par les fentes de la vue, par-dessus cette haute pièce, il devait baisser extraordinairement le menton et porter les épaules eu avant. Dans les formes plus archaïques où le casque très vaste est un heaume à tête de crapaud, cette disposition est encore exagérée. Ces heaumes, qu’on porta jusque vers 1530 environ, furent le type le plus parfait des défenses de tête pour courir dans les joutes. La salade à queue de l’armure gothique, avec sa bavière fixée au plastron et indépendante du casque lui-même, et qui demeura en honneur chez les Allemands jusqu’au XVIIe siècle, est un système tant soit peu