s’il réussit, ce qui est douteux, à faire prendre à chacune des puissances une attitude tout à fait nette. Mais y réussira-t-il ? Pour en juger, — autant du moins que cela est possible, — il faut se reporter au texte même de sa proposition. En voici le passage essentiel : « Le gouvernement de l’Empereur considère comme condition préliminaire de l’ouverture des négociations diplomatiques avec le gouvernement chinois, que ce gouvernement livre les personnes reconnues comme véritables et premières instigatrices des crimes commis à Pékin contre le droit des gens. » A première vue, rien ne paraît plus convenable, et nous ne sommes pas surpris du bon accueil qui a été spontanément fait par la presse internationale à l’initiative de M. de Bulow ; la presse française s’y est même montrée particulièrement favorable ; mais, à la réflexion, on se demande si la proposition est aussi pratique qu’elle paraît légitime, et le doute entre aussitôt dans l’esprit.
Ah ! si nous tenions le gouvernement chinois enfermé à Pékin ; si nous pouvions agir sur lui d’une manière directe et par des procédés immédiats et effectifs ; enfin si son sort dépendait de nous, rien ne serait plus simple que de lui présenter l’exigence allemande sous forme d’ultimatum. S’il refusait de s’y soumettre, nous saurions du moins ce qu’il nous resterait à faire, et nous le ferions puisque nous en aurions les moyens. Malheureusement, la situation est tout autre. Nous sommes à Pékin ; mais le gouvernement chinois n’y est plus. Il est, dit-on, dans le Chansi, à Taï-yen-fou, et il paraît disposé à aller encore plus à l’est, encore plus au sud, dans le Chensi, et à s’y installer d’une manière définitive, nous laissant à Pékin négocier à notre aise avec le prince Tching et Li-Hung-Chang. Est-il bien sincère dans la résolution qu’il affecte de ‘construire un palais impérial à Singan-fou et de faire de cette ville la future capitale de l’Empire ? C’est ce que nous ne saurions dire encore ; mais cela est possible. Il n’y aurait rien d’extraordinaire à ce que la facilité et la rapidité avec lesquelles les forces des puissances ont pu et pourront toujours arriver à Pékin, aient fait réfléchir le gouvernement chinois et l’aient amené à prendre une détermination dont l’influence sur l’avenir serait immense. Peut-être aussi ne faut-il voir là qu’une manœuvre politique destinée à agir sur le présent, c’est-à-dire sur les négociations, qui sans doute s’ouvriront bientôt. Nous ne connaissons pas assez la psychologie de l’âme chinoise pour savoir si l’abandon de Pékin, de la capitale traditionnelle, qui est comme la Rome de ce vaste empire, peut être le résultat d’une détermination sérieuse et irrévocable. Mais, dans une