hypothèse comme dans l’autre, le gouvernement chinois échappe pour le moment à nos prises. Il s’est enfui, laissant entre nos mains sa vieille capitale comme un gage dont il s’applique à déprécier la valeur, et qui n’a peut-être pas effectivement toute celle que nous pourrions croire.
Telle est la situation : elle a inspiré très différemment la Russie et l’Allemagne. Il y a quinze jours, on était en présence d’une proposition russe ; on est aujourd’hui en présence d’une proposition allemande ; et on peut assurer sans exagération, en laissant les mots de côté pour aller au fond des choses, c’est-à-dire aux intentions politiques, qu’elles sont exactement le contre-pied l’une de l’autre. Pour peu que les propositions continuent de se succéder de la même manière, nous saurons bientôt quelle est la pensée de chacune des puissances, mais ce sera pour constater qu’il n’y en a pas deux qui soient d’accord. Le gouvernement russe, en proposant d’évacuer Pékin, adressait au gouvernement chinois une sorte d’invite à y rentrer, et il espérait que celui-ci y rentrerait en effet. Nous n’aurions pas osé l’affirmer, mais enfin on pouvait essayer. Il y avait là l’indication d’une politique claire, logique, dont les intentions finales étaient modérées, et qui, pour tous ces motifs, avait réussi à nous plaire. On en était là ; quelques puissances avaient adhéré à la proposition russe, et aucune à notre connaissance n’y avait opposé une fin de non-recevoir absolue. Il y en avait, comme l’Angleterre, qui attendaient, voulant sans doute voir venir. Elles ont vu venir de Berlin une proposition dont le but est d’imposer au gouvernement chinois une obligation qu’il n’accepterait peut-être pas, même s’il était à Pékin entouré de nos soldats, mais qu’il repoussera certainement dans l’état où sont les choses. Et alors qu’arrivera-t-il ? C’est ce que l’Allemagne a omis de dire dans la note qu’elle a adressée aux puissances. Ce côté de la question lui a paru pour le moment accessoire. Si on y insistait beaucoup, peut-être répondrait-elle que le maréchal de Waldersee est sur le point de débarquer à Takou, qu’il sera bientôt à Pékin, et que dès lors tout s’arrangera pour le mieux. Mais cette perspective n’est pas envisagée par tout le monde d’un œil aussi optimiste. Tranchons le mot : la proposition allemande conduit à la reprise inévitable et immédiate des hostilités. Quel en serait le terme ? Nul ne le sait : tout ce qu’on en peut dire, c’est que ce terme ne serait atteint que très loin de Pékin. Pékin n’aurait été que la première étape d’une guerre que le feld-maréchal de Waldersee dirigerait sans doute avec une supériorité digne de sa grande réputation militaire, mais qui pourrait être longue et nous ferait voir beaucoup de pays.