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LES TRONÇONS DU GLAIVE.

bulance suit. Adieu, mes blessés de l’ouvroir. Ou marche au secours de Péronne bombardée. Extrême importance de Péronne, clef de la ligne de la Somme. Combat aujourd’hui à Achiet-le-Grand. Pas d’autres malades que des mobilises de la division Robin. Les ai renvoyés. Ils n’avaient rien.

3 janvier.

On se bat du côté de Bapaume.

4 janvier, au matin.

Ambulance pleine. Quelques Allemands. Dû charcuter toute la nuit. Grande victoire. Avons enlevé villages occupés par l’ennemi, sommes arrivés jusqu’au faubourg de Bapaume. Campé sur place. L’ennemi évacue Bapaume. Élan de nos troupes régulières et solidité de l’artillerie. Mais la division Robin s’est couverte de honte. Forcé de défendre l’entrée de l’ambulance contre quantité de lâches qui n’avaient d’autre mal que la peur ! Nuit très froide, congélations en masse.

10 heures.

Les villages, inlogeables, sont pleins de morts et de blessés. Faidherbe, l’armée ayant beaucoup souffert, donne l’ordre de reprendre les cantonnemens autour de Boiteux, devant Arras. On dit que le bombardement de Péronne a été suspendu.

7 janvier.

On se ravitaille. Évacué mon monde sur les hôpitaux et ambulances fixes d’Arras. Frappé du caractère sérieux et de la foi simple des blessés allemands. Quelle différence avec l’état d’âme de nos soldats, qui ne croient à rien. Nécessité d’une croyance, quelle qu’elle soit. Ce peuple est aussi plus instruit que le nôtre ; presque tous savent lire, écrire, ont un carnet de route où ils griffonnent leurs impressions. En ai feuilleté plusieurs, qui expriment la conviction qu’ils font une guerre juste, que Dieu les soutient. Race forte, moins affinée, plus réfléchie. Curieux mélange d’idéologie, et d’animalité. Soigné un gros cuirassier qui, furieux de la diète nécessaire, répétait tout le temps, en roulant les yeux : « Viante ! Viante ! » Il m’excédait tellement que j’ai eu envie de lui dire : « Tiens, mange et crève ! »