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CORRESPONDANCE INTIME
DU
GÉNÉRAL JEAN HARDY
(DE 1797 A 1802)

Parmi les valeureux soldats qui moururent en combattant pour la France sous la Révolution et l’Empire, combien en est-il dont la postérité n’a pas même relevé la trace ? A part quelques héros, dont les noms sont connus de tous, les exploits présens à toutes les mémoires, des généraux de la première République, l’histoire n’a conservé le souvenir que de ceux qui ont partagé de près la gloire de Napoléon ou qui, après avoir survécu à tous les désastres, ont pris soin eux-mêmes de hausser leur renommée en écrivant leurs Mémoires. Pour être illustre, il faut avoir été un des maréchaux de la suite du grand capitaine ou, tout au moins, s’être fait soi-même son propre historiographe. Quant aux vaillans que la mort a fauchés trop tôt, aux compagnons de Hoche, de Marceau, de Kléber, de Moreau aux armées du Nord, de Sambre-et-Meuse, de Rhin-et-Moselle et du Danube, ils restent pour la plupart des inconnus, si grands qu’aient été les services rendus à la patrie, quelque part qu’ils aient prise aux victoires, qui sont souvent dues aux grands talens militaires qu’ils ont déployés, aux travaux sérieux et incessans qu’ils ont accomplis, à l’énergie patiente et à l’expérience qu’ils ont montrées dans la poursuite de leurs desseins, en dépit de la légende, si longtemps répandue et si difficile à détruire, parce qu’elle plaît à l’orgueil national, que la Révolution française a improvisé ses soldats et ses généraux ;