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quelques analogies avec la sonate moderne : le nome pythique, représentait le combat d’Apollon avec le serpent. On trouve au neuvième livre de Strabon l’analyse d’un de ces nomes, composé par Timosthène, amiral de Ptolémée Philadelphe. Ainsi le fameux combat, sans avoir rien de naval, inspirait même des marins. L’auteur, dit Strabon, avait partagé son œuvre en cinq morceaux. Il faisait assister l’auditeur : dans l’anacrousis, aux prépatifs ; dans l’ampira, aux premières escarmouches ; dans le catakéleusme, au combat lui-même ; dans l’ïambe et dactyle, aux acclamations qui suivent toute victoire ; enfin, dans les syringes, à la mort du monstre, « dont on croyait entendre les derniers sifflemens, tant l’imitation des instrumens était parfaite. » Légitimes ou non, les droits de la musique à la description et au pittoresque sont du moins fondés sur l’ancienneté, et puisqu’ils s’exercèrent dès l’origine, c’est donc qu’ils parurent d’abord naturels et presque nécessaires.

Souvent contestés, ils n’ont jamais été abolis. Hier encore un jeune maître allemand les revendiquait en ces termes : « Il serait très heureux, écrit M. Weingartner, qu’un historien de la musique voulût bien établir une fois, très profondément et solidement, que ce qu’on nomme aujourd’hui à la légère musique à programme, n’est nullement une invention des nouveaux compositeurs, mais que plutôt la tendance à exprimer par la musique des pensées nettement indiquées, des événemens même, est évidemment aussi vieille que la musique comme nous la comprenons généralement. Chez les anciens Néerlandais et Italiens, aussi bien que chez les maîtres allemands avant Bach, nous trouvons des compositions avec des titres et des explications[1]. »

M. Shedlock en donne plus d’un exemple antérieur aux « Sonates Bibliques. » C’est une fantaisie de John Mundray sur le beau et le mauvais temps. C’est l’œuvre de Frohberger, un maître qui passait pour savoir exprimer également sur le piano les faits, les idées et les sentimens. C’est une série de « suites » de Buxtehude, pour le piano toujours, sur la nature et les caractères des planètes. De tels précédens n’étaient pas ignorés de Kuhnau. Il les cite et s’en autorise dans la longue introduction qu’il a placée en tête de ses « Sonates Bibliques. » Il y définit aussi le pouvoir des sons. La musique est capable, suivant lui,

  1. La symphonie après Beethoven, par M. Félix Weingartner ; traduction française par Mme Camille Chevillard. Paris, chez Durand et fils et chez Fischbacher.