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momentanément interrompue pour étudier l’introduction de la télégraphie sans fil.

En redescendant le Congo pour rejoindre Léopoldville, notre remorqueur, poussé par le courant et mal dirigé par le pilote que la nuit avait surpris, accrocha un banc de sable et cette fois s’y cala. L’équipage eut beau sauter à l’eau et imprimer au bateau de vigoureuses poussées, rien ne bougea. La perspective de passer la nuit dans un nuage de moustiques sans rien trouver à se mettre sous la dent devenait désagréable. Nous sifflons l’alarme sans trop savoir si nous serions secourus. Heureusement la station de N’Dolo n’était pas loin, et bientôt nous entendîmes dans la nuit un bruit de pirogue et de pagayes. Nous pûmes ainsi rejoindre la terre, où une locomotive nous ramena le soir même à Léopoldville.

Ce n’est pas parce que N’Dolo a été notre port de salut que je tiens à lui prédire un brillant avenir, mais, avec la possibilité d’y construire mille mètres de quais, d’y tracer les plans d’une grande ville, il semble bien plus indiqué, comme port d’embarquement sur le Haut-Congo, que celui de Léopoldville, trop rapproché des rapides qui précipitent le fleuve en véritables cascades jusqu’à Matadi. En effet, il suffit d’un anneau brisé dans la chaîne du gouvernail, d’un accroc dans la machine, pour qu’un vapeur grand ou petit soit entraîné dans les chutes si proches et irrémédiablement perdu. Et c’est à Léopoldville qu’accostent presque chaque semaine des chargemens valant plusieurs millions. N’est-ce pas bien risqué ? On objecte l’établissement déjà perfectionné d’un atelier de montage, les habitudes établies, les souvenirs ; mieux vaudrait cependant prendre dès aujourd’hui la résolution qu’une expérience coûteuse rendra sans doute inévitable.

Plus avisée peut-être a été la Société anonyme belge pour le Commerce du Haut-Congo dont je vais visiter à Kinshasa, tout près de N’Dolo, la magnifique installation ; résidence du directeur dans un beau parc, demeures des employés qui ont à leur disposition des salles de jeu et de récréation, magasins rangés le long des quais, ateliers de réparation, et élévateur pour les bateaux, tout y respire la grande aisance et une puissante organisation. La S. A. B. comme il est d’usage de désigner, par un cryptogramme cabalistique, ces sociétés coloniales, a été greffée sur la Compagnie du Congo pour le Commerce et l’Industrie qui date de 1886. Les principales filiales de cette compagnie « douairière »