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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/209

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figuré par les objets. Les premiers et les seconds devraient cependant correspondre, s’expliquer, se compléter, concorder, mais ils ne concordent pas. Les photographies vous représentent une contrée, des sites, des mœurs, des figures, des horizons, quelque chose de vivant, qui existe, qui respire. Les objets ne sont que des fragmens, des débris, on ne sait quoi d’incompris, d’informe, d’incohérent, qui ne signifie rien et ne se rattache à rien. On ne peut même pas dire que l’idée propagée est fausse. Elle est nulle, elle n’est pas. Vous voyez devant vous des morceaux bizarres, imitant vaguement des têtes d’oiseaux, de lions, de bêtes, de monstres, et l’on vous montre même une façon de grossier guéridon, tout hérissé de flèches et de coutelas, qui simule une « table des sacrifices. » Mais tout cela est tellement dépourvu d’âme, et de toute âme quelconque, que ce n’est rien. Le sauvage se confond souvent avec le puéril, et tous ces engins de bois ou de cuivre, mal dégrossis, sans figure, finissent par friser la mystification. Ils viennent du Dahomey, mais pourraient aussi bien venir de n’importe où, et nous touchons ici à un autre vice des exhibitions d’exotisme, c’est que toutes ces choses exotiques ne peuvent, visiblement, avoir leur vrai caractère, sinon même un caractère, que dans leur milieu, sous le soleil qui doit les éclairer, dans l’air où elles devraient baigner. Il en est des fétiches, des armes, des dieux, des objets qu’on nous montre là, et même des constructions et des paillotes, d’un torchis trop rose et trop neuf, comme de certaines paroles d’opéra. Elles peuvent servir de prétexte à de puissans effets musicaux, mais ne sont plus que des niaiseries sans la musique. Or, la musique, ici, c’est le pays même, et nous n’avons que le livret. Un effort, sans aucun doute, et un effort consciencieux, intelligent, a été fait par l’exposant. Il a même probablement réalisé tout ce qu’on pouvait réaliser, mais n’a pas pu exposer l’atmosphère, et c’était l’atmosphère qu’il fallait surtout exposer.

La population indigène ne manque pas au « village, » mais nous ne l’y rencontrons que dans la personne de superbes factionnaires nègres, dont la consigne, imperturbablement exécutée, est d’empêcher les visiteurs de fumer. Dès qu’ils aperçoivent un fumeur, ils fondent sur lui, lui secouent le bras, et lui font signe de jeter sa cigarette. Le fumeur, quelquefois, se rebiffe, refuse d’obtempérer, essaye de s’échapper, et regarde de travers ce grand noir qui le rudoie, mais le grand noir le rattrape par le