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zones d’influence, où telle puissance aurait une situation privilégiée, serait une première esquisse et comme un commencement de partage. L’article 1er exclut donc, par voie de conséquence, toute idée de prise de possession territoriale ; mais, pour plus de précision encore, l’article 2 pose formellement le principe du « maintien intégral de la situation territoriale de l’empire chinois. » Voilà qui est clair, et sur quoi nous sommes tous d’accord. De plus il s’agit bien là de ce qu’on appelle, en langage diplomatique, des principes. On nous demande d’y adhérer ; soit.

La difficulté commence à l’article 3. Non seulement il est aussi obscur que les deux premiers sont clairs, mais il est en contradiction avec eux. Il part, en effet, de l’hypothèse qu’une puissance quelconque, un tiers innomé, pourrait bien violer la promesse qu’on lui demande de faire, — supposition peu obligeante, on en conviendra. De deux choses l’une : ou les deux puissances qui invitent les autres à prendre un engagement ont confiance en leur parole, et alors l’article 3 devient inutile ; ou elles n’y ont pas confiance et alors pourquoi leur demander de la donner ? C’est la première fois, croyons-nous, que, dans un même instrument diplomatique, on propose aux gens de faire une promesse et on suppose ensuite qu’ils ne la tiendront pas. Quelques journaux ont cru qu’il y avait dans l’arrangement des clauses secrètes : c’est peu probable, car on y a tout dit, même ce qu’on cache d’ordinaire. S’il avait dû y avoir une clause secrète, c’est l’article 3 qui aurait été cette clause. Mais enfin que dit-il ? Que, « dans le cas où une autre puissance profiterait des complications en Chine pour obtenir, sous quelque forme que ce soit, des avantages territoriaux, les deux parties contractantes se réservent de conclure un accord préliminaire au sujet des mesures éventuelles à prendre pour la protection de leurs propres intérêts en Chine. » Etait-ce bien la peine de le dire ? Évidemment, si les principes posés dans les deux premiers articles ne sont pas respectés, chacun redevient libre de prendre telles mesures qu’il jugera à propos pour la sauvegarde de ses intérêts. Cela va de soi ; et il y a sans doute des puissances qui ne s’arrêteront pas à des accords préliminaires. Veut-on toute notre pensée ? Cet article n’est pas du tout une manifestation de confiance réciproque de la part de l’Angleterre et de l’Allemagne. Loin de là : il permet de penser que l’Angleterre et l’Allemagne, — et elles ont de bonnes raisons pour le faire, — se défient l’une de l’autre, et éprouvent le besoin de prendre des mesures et de se donner mutuellement des garanties pour le cas où la force des choses les obligerait à entrer